Luxuriance et luxure (P. Maillard de la Morandais)
Illustration possible pour le DOIGT LEVE du jeune homme sur la carte de tarot n°1 LE BATELEVR
carte LE BATELEVR : sommaire [#]
Variantes graphiques [#]
Père Alain Maillard de LA MORANDAIS : Les sept péchés capitaux - DENOEL 1996
[extrait pp.121-122] ///////////////////////////////////////////////////////////////
Peut-être pour avoir passé deux années de ma pré-adolescence sous les Tropiques, le mot "luxure" n'a longtemps évoqué pour moi que la luxuriance végétale des forêts touffues. L'exubérance des palmes, l'enlacement des feuilles énormes et vernissées, l'élancement vertigineux des lianes jusqu'aux sombres sommets inaccessibles des arbres gigantesques non seulement me ramenaient à ma condition vulnérable de micro-Mowgli, mais faisaient ruisseler mes tempes, mon cou et mes aisselles d'une sueur lente et salée qui ne devait rien à l'excitation érotique.
Mon innocence enfantine n'avait même pas pu deviner que mon petit voisin de lycée, jeune noir vif et salace, se livrait à mon endroit à des provocations égrillardes à l'aide du majeur de sa main droite qu'il brandissait par à-coups saccadés, ce qui allumait dans son regard une lueur étrange et dans le mien une inertie stupide et apeurée. A qui aurais-je pu oser demander la signification d'un geste, que je sus plus tard de la plus ordinaire lubricité, qui n'évoquait pour moi non seulement ni le phallus, loin de toutes mes préoccupations les plus naturelles, ni la transe qui accompagne ses épanchements, mais aucune conduite humaine ou animale dont l'intrigue eût pu susciter en moi quelque légitime questionnaire ?
Pouvais-je me douter qu'il y avait entre la "luxuriance" et la "luxure" une relation étymologique, celle du luxus latin qui signifie l'excès, alors que toute la surabondance végétale qui m'entourait, accordée à l'exubérance du règne animal qui se manifestait par le guépard sur la plage, l'aileron de requin croisant dans la lagune, le vol des flamands roses au petit matin, le serpent liane dans le citronnier, le serpent corail à la morsure fougueuse que je faillis écraser à bicyclette, les aigrettes immaculées juchées sur la vase, les urubus qui sèchent leurs ailes en croix ou les iguanes aux écailles vertes et bleues, témoignait constamment d'une telle vitalité de la loi naturelle que mon éveil à la conscience sexuelle aurait dû être normalement prématuré ? Il n'en fut rien. Tout au contraire. A treize ans, j'étais sur "la chose" le plus niais qui soit. [...]
[fin de l'extrait] /////////////////////////////////////////////////////////////////////
Même ouvrage, autre extrait : "Le péché capital d'intempérance" [#] - "La paresse qui guette le solitaire" [#]
I L L U S T R A T I O N S
carte LL BATELEVR, du tarot de Jean Noblet, Paris ca 1650 (exemplaire conservé à la B.N.) ici version restaurée aux couleurs d'origine par JC Flornoy. Source : http://www.letarot.com
L I E N S
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