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\\\\\\\\ Le . monde . des . tarots . anciens
30 avril 2011

Le droit de la femme mariée

Carte III L'IMPERATRICE : Sommaire [#]
Carte VIII LA JUSTICE : Sommaire [#]

Régine PERNOUD : La Femme au temps des cathédrales, STOCK 1980
[extrait] /////////////////////////////////////////////////////////////////////
 pp. 188-190ARSMORIENDIduXVesiècledelaBMdeMarseille

La situation de la femme dans le mariage s'est considérablement détériorée entre les temps médiévaux et les temps classiques, et cela se manifeste notamment dans l'administration de ses biens. 

Jean Portemer [*], qui a étudié le statut de la femme entre le XVIe siècle et la rédaction du Code Civil, l'a souligné ; il rappelle que, beaucoup plus sourcilleuse que celle de l'Eglise, la législation royale exige le consentement des parents au mariage, parfois jusqu'à l'âge de trente ans, ce qui signifie qu'en cas de mariage clandestin, celui-ci peut être considéré comme un rapt; or le rapt est puni de mort à l'époque ...
            "L'aggravation est sensible, conclut-il, par rapport aux siècles antérieurs où seule la communauté des biens et non la femme elle-même avait le mari pour seigneur et maître ... Sa puissance, le mari l'exerce non pour protéger une incapable, mais dans son intérêt propre, à raison de sa qualité de supérieur et de chef de la société conjugale. Elle fait de la femme mariée, non une "perpétuelle mineure", selon l'expression consacrée, mais en réalité une personne beaucoup plus effacée qu'un mineur de la scène juridique."   

Adam à la hache (défrichement?) et Eve filant
enluminure d'un Ars Moriendi du XVe s. (BM Marseille, ms 089)

           Un mineur peut agir validement dans quelques cas, alors que tous les actes de
la femme sont frappés de nullité, s'ils n'ont pas été approuvés par le mari.

     Les juristes de l'Ancien Régime, tous imbus de droit romain, n'auront fait que
            renforcer ces dispositions (qui seront consacrées plus tard par le Code Napoléon);
            contentons-nous de citer le vénérable Pothier : "Le mariage, en formant une so-
            ciété entre le mari et la femme dont le mari est le chef, donne au mari, en la
            qualité qu'il a de chef de cette société, un droit de puissance sur la personne de
            la femme qui s'étend aussi sur ses biens.. La puissance du mari sur la personne
            de la femme consiste par le droit naturel dans le droit qu'a le mari d'exiger d'elle 
            tous les devoirs de soumission qui sont dus à un supérieur"
, etc...

            On se trouve loin, très loin de la mentalité des temps féodaux, celle où un Vincent
            de Beauvais, résumant des idées émises dès le VIIe siècle par Isidore de Séville,
            et reprises largement au XIIe siècle par Hugues de Saint-Victor, disait de la position
            de la femme par rapport à l'homme : "nec domina, nec ancilla, sed socia" 
           
(ni maîtresse, ni servante, mais compagne" [socia ayant le sens qui s'est conservé
            dans le terme associé].

     La majorité, acquise très jeune, apportait évidemment une précieuse garantie
            d'indépendance dont nous sommes aujourd'hui conscients. Le juriste Pierre Petot,
            qui a spécialement étudié le statut de la femme dans les pays coutumiers français,
            fait remarquer que les intérêts pécuniaires de la femme même mariée sont au XIIIe
            siècle solidement protégés; elle demeure propriétaire de ses biens propres; le mari
            en a l'administration, la jouissance, ce qu'on appelle alors la saisine, c'est-à-dire
            l'usage, mais il ne peut en disposer; les biens de sa femme sont totalement inalié-
            nables; en revanche, la femme mariée participe de droit à tout ce que le ménage
            peut acquérir et, en cas de décès de son époux, elle a la jouissance d'une partie
            des biens propres de celui-ci : la moitié dans les familles roturières, le tiers chez
            les nobles dans la plupart des coutumes; il relève aussi qu'une femme qui exerce
            un commerce peut témoigner en justice pour tout ce qui se rattache à l'exercice
            de ce commerce. Elle remplace sans autorisation préalable son mari s'il est ab-
            sent ou empêché. Jusqu'à la fin du XVe siècle, en effet, elle jouit de ce qu'on
            appelle la "capacité juridique"; ce n'est qu'au XVIe siècle qu'elle devient juridi-
            quement incapable, le contrôle du mari sur les actes de son épouse étant de
            plus en plus rigoureux : les actes de la femme sont nuls si elle n'a pas obtenu
            l'autorisation de son époux.

    On suit parfaitement à travers les théories des juristes, notamment Tiraqueau
           et Dumoulin, cette progression du pouvoir marital qui aboutit à faire de la
           femme mariée une incapable, ce que consacrera au début du XIXe siècle le
           code Napoléon; il y avait là un retour au droit romain que les auteurs du chapi-
           tre consacré à la loi romaine dans l'ouvrage important de Crumbs et Jacob sur
           Le Legs au Moyen Age ont analysés non sans humour : Dialecticiens et juristes,
           disent-ils, se sont efforcés de rattacher à la loi et à la pensée romaines des
           systèmes qui parfois leur étaient complètement étrangers, "leur désir de récon-
           cilier toutes contradictions et de trouver l'autorité romaine en des solutions
           pratiques qui étaient l'inverse de celles des Romains a conduit à de puérils
           coupages de cheveux en quatre et à une grande inexactitude doctrinale"
.

   C'est néanmoins l'obsession qui a régné, dans les écoles de droit comme à l'université
         en général, et a eu pour effet de réduire à néant la maîtrise que la femme avait
         auparavant exercée sur ses biens. Tous les historiens du droit sont ici d'accord :
         "La femme séparée, par exemple, est moins favorisée [au XVIIe siècle] qu'à la fin du
         Moyen Age, où non seulement elle recouvrait l'administration de ses biens (en cas de
         séparation), mais encore pouvait en disposer librement. Désormais, la puissance du
         mari est telle que, malgré sa disqualification, son autorisation est indispensable à sa
         femme quand celle-ci désire aliéner ses immeubles
". [...]
        
en ce qui concerne par exemple la Belgique, John Gilissen indique que [...] dans les
         coutumes du XIVe siècle encore une femme qui aurait agi sans l'autorisation de son mari
         pour établir un contrat, faire un don ou témoigner en justice, ne pouvait,quoi qu'il arrive,
         perdre en cas de désaccord que son fuseau et sa quenouille ! 

[*] Jean PORTEMER, Le Statut de la femme en France depuis la réformation des coutumes jusqu'à la
       rédaction du Code Civil
, dans l'étude sur La Femme, Société Jean Bodin, IIe partie, t. XII, Bruxelles, 1962

[fin de l'extrait] ////////////////////////////////////////////////////////////////
Même auteur, même ouvrage :
[#] "Art gothique : mouvement et symboles" (Symbolique - Histoire de l'Art)
[#] "Chevalerie" (Cavaliers)
[#] "La condition féminine sous l'Antiquité" (Papesse)
[#] "Dhuoda : Le Manuel pour mon fils (IXe s.)" (Papesse, Impératrice)
[#] [ABBESSE] Les premières abbesses (Papesse)
[#[LIVRE] Femmes, livres et religion au Moyen Age (Papesse, Impératrice)            

[#] [TABLE][GANTS] biens d'un ménage au Moyen Age (autour de la carte Bateleur)
[#] "L'Impératrice Agnès" (autour de la carte Impératrice, concerne aussi IV,V,IX)
[#] "Mathilde de Toscane" (autour de la carte Impératrice, concerne aussi IV et V)
[#] "Les deux hommes en moi" (autour de la carte Amoureux, concerne aussi XVIIII)
[#] "Abbaye Maison-Dieu de Saint Morillon" (Maison Dieu)
[#] "Fabiola et les premiers hôpitaux" (XVI)

[#"Vêtements de femme au Moyen Age"

 

L  I  E  N  S 

PERSONNAGES :
Hugues de Saint-Victor :
http://www.philonet.fr/auteurs/StVictor.html

http://fr.wikipedia.org/wiki/Hugues_de_Saint-Victor
Saint Isidore de Séville (+636) :
http://nominis.cef.fr/contenus/saint/915/Saint-Isidore-de-Seville.html 
http://fr.wikipedia.org/wiki/Isidore_de_S%C3%A9ville

André Tiraqueau, jurisconsulte (1488-1558) :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Andr%C3%A9_Tiraqueau
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rbph_0035-0818_1939_num_18_1_1288_t1_0207_0000_2 
Robert-Joseph Pothier, jurisconsulte (1699-1772) :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Robert-Joseph_Pothier

L'AUTEUR DU TEXTE CITE :
Régine PERNOUD (1909-1998) : http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9gine_Pernoud

Source des illustrations :
enluminure d'un Ars Moriendi du XVe s., Bibl. Municip. de Marseille : http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/enlumine_fr

 

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