Les deux hommes en moi

13 mai 2011

carte VI L'AMOUREUX[#]
carte XVIIII LE SOLEIL[#]

Régine PERNOUD : La Femme au temps des cathédrales STOCK 1980
[extrait pp. 108-109] //////////////////////////////////////////////////////////////

A multiplier les citations, c'est toujours, à quelque chose près le même type féminin qui se dégage [comme idéal de beauté féminine au Moyen Age] et qu'on retrouvera du reste jusque dans les oeuvres de la Renaissance. La beauté féminine sera inépuisablement commentée, et ce non seulement par des poètes comme André le Chapelain (pour qui l'amour est "une passion innée procédant de la vision et d'une pensée démesurée de la beauté de l'autre sexe"), mais ce qui peut surprendre davantage, par des philosophes, voire des théologiens; un Guibert de Nogent voit dans la beauté de la femme un miroir direct et immédiat, quoique imparfait et périssable, de l'infinie et immuable beauté de Dieu.
------> Guibert de Nogent chroniqueur d'un ermite, cf. [#]

Plus encore, un Hugues de Saint-Victor considère que la beauté du monde visible est un REFLET de la beauté du monde invisible, et sa conception est celle de toute son époque, ce XIIe siècle amoureux de toute beauté. "Les formes visibles sont images de l'invisible beauté de Dieu... Toutes choses visibles nous sont proposées pour nous instruire symboliquement; elles sont par conséquent symbole, signe, image de l'invisible beauté de Dieu". Il y voit même une sorte de principe dynamique, et, un siècle plus tard, Vincent de Beauvais le répétera après lui : "L'apparence des choses visibles, en provoquant notre sensibilité et notre attention, ne comble pas à vrai dire notre désir, mais incite à rechercher l'image du Créateur et à désirer sa beauté." Sans manquer de mettre l'accent sur la distance de l'un à l'autre, un Guillaume de Saint-Thierry, ce cistercien mystique, ne s'écriait pas moins : "Ô Amour, duquel est nommé tout amour, même charnel et dégénéré !" De même que pour Saint Bernard lui-même l'amour naturel et instinctif des biens de la vie se développe en deux sens, vers la caritas ou la cupiditas.

On ne peut comprendre l'époque sans pénétrer cette notion extraordinairement positive et dynamique d'un ELAN dans lequel on ne dissocie pas, comme on le fera plus tard, le sensible du spirituel.

En chaque homme s'opère le clivage entre les ondes supérieures et les ondes inférieures que relate la Genèse au second jour de la création [voir ce passage de la Bible ici]; en chacun les capacités d'amour peuvent devenir charité ou cupidité, tendre au respect ou à l'exploitation de l'autre; en chacun aussi, les "deux hommes en moi" que sentait un saint Paul peuvent être transcendés, parvenir à une unité à la fois exaltante et pacifiante, dont est l'image celle qui s'opère dans l'étreinte amoureuse entre l'homme et la femme.

[fin de citation] //////////////////////////////////////////////////////////////////////
Même auteur, même ouvrage, autres extraits :
[#] Art gothique : mouvement et symboles (Symbolique - Histoire de l'Art)
[#] Chevalerie (Cavaliers)
[#] La condition féminine sous l'Antiquité (Papesse)
[#] Dhuoda : Le Manuel pour mon fils (IXe s.) (Papesse, Impératrice)
[#] [ABBESSE] Les premières abbesses (Papesse)
[#] [LIVRE] Femmes, livres et religion au Moyen Age (Papesse, Impératrice)
[#] Le droit de la femme mariée (Impératrice, Justice)
[#] [TABLE][GANTS] biens d'un ménage au Moyen Age
[#] L'Impératrice Agnès (Impératrice, Empereur, Pape, Ermite)
[#] Mathilde de Toscane (Impératrice, Empereur, Pape)
[#] Abbaye Maison-Dieu de Saint Morillon (Maison Dieu)
[#] Fabiola et les premiers hôpitaux (XVI)
[#] Vêtements de femme au Moyen Age