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\\\\\\\\ Le . monde . des . tarots . anciens
5 juillet 2011

Liturgies de nuit à Athos

carte XVIII LA LVNE : Sommaire [#]
XVIIII LE SOLEIL : Sommaire [#]

Jacques LACARRIERE : L'Eté grec, une Grèce quotidienne de 4000 ans
PLON, Coll. "Terre Humaine", 1976
[extrait] ////////////////////////////////////////////////////////////////////

pp. 62-63

 

Mont Athos, Monastère Simonopetra (ConstantineD flickr) 

Mont Athos Simonopetra-ConstantineD on Flickr

A mon premier passage [au monastère de Simon Petra à Athos], j'arrivai au couchant, à l'heure où débutaient les vêpres. L'archontaris s'apprêtait à s'y rendre. Il me dit de l'accompagner, si je voulais.

Selon une très vieille tradition, les églises d'Athos ouvrent toutes sur l'Ouest. Le sanctuaire regarde donc vers l'Est. Ceci explique que là où les murs n'arrêtent pas ses rayons, le soleil couchant illumine toujours les églises au moment des vêpres. Ce jour-là, il colorait l'iconostase, les veilleuses et les chandeliers d'un or chaud, comme féérique. L'église était de petite dimension et tous les objets qui s'y accumulaient prenaient un relief saisissant. Il y a toujours dans ces églises byzantines un incroyable entassement d'objets de culte qui donnent l'impression de pénétrer au coeur d'un labyrinthe : les icônes d'abord, réparties dans la nef, sous des châsses de verre, ou dans un proskynitarion ou reposoir; les lustres, chandeliers et veilleuses, les uns descendant du plafond, les autres brûlant devant les icônes; les pupitres des chantres; les stalles de bois alignées tout au long de la nef. 

Les rayons du soleil découpaient dans ce labyrinthe des îlots d'ombre et de lumière où se devinaient les silhouettes immobiles des moines. Et dans cet antre où les nuages d'encens effilochaient leurs nappes, les chantres se répondaient d'une voix nasillarde et traînante. [...]

Au sortir des vêpres, je fis un tour sur la passerelle pour regarder la nuit descendre. Partout, le ciel se chargeait de nuages. Un vent frais se levait qui ridait de frissons toute la baie de Longos. Il apportait jusqu'ici, mêlées à l'encens de l'église, des odeurs de sel et d'embruns. Le lendemain matin, je fus réveillé par des chants, tout près de ma cellule. On célébrait l'orthros, l'office du matin. Le ciel était entièrement couvert. Une pluie fine tombait doucement sur les toits. Dans la tiédeur du lit, l'engourdissement du demi-sommeil, ces chants avaient des accents infinis, comme si à mi-chemin de la conscience et du rêve, on célébrait les funérailles de quelque héros inconnu.

pp. 41-42

Ici, le temps ne se mesure pas comme ailleurs. Il y a des horloges à Athos mais elles marquent rarement la même heure. Sur cette montagne, le mot minuit n'existe pas. Cet instant arbitraire des ténèbres, imperceptible à tout autre instrument qu'une horloge, n'a pas de place ici puisque seul le soleil est maître du temps. La plupart des monastères ont conservé le comput byzantin où minuit - ou 0 heure - correspond au coucher du soleil.

Mais il est un comput plus ancien, d'origine hébraïque et qu'on appelle ici, j'ignore pourquoi, chaldéen, en usage dans le monastère d'Iviron, situé sur la côte Est : 0 heure au lever du soleil. Enfin, comme pour compliquer les choses, le monastère de Vatopédi a adopté le système légal en usage dans le reste du monde. Ainsi, il peut être en même temps 0 heure à Iviron, 6 heures à Vatopedi, midi dans les autres monastères, en cette saison de l'année où les jours et les nuits s'équivalent.

Mais on apprend vite à Athos à ne pas se soucier des horloges. Le temps ici ne sert qu'à indiquer le début et la fin de chaque liturgie. Le soleil décide seul de toute chose, sans se soucier des méridiens puisqu'Athos, pour les moines, est le centre du monde. Le seul méridien qui compte, c'est cette échine qui divise la montagne en deux versants, regardant l'est et l'ouest et où, d'Iviron à Saint-Pantéleimion, le temps se mesure à l'envers, cette échine qui partage le flux des heures comme d'autres l'écoulement des eaux.

moines Mont Athos - National Geographic

Presque toutes les liturgies ont lieu la nuit. Nuit qui n'est pas seulement recueillement, silence, enfouissement dans l'ombre mais protection, muraille et densité du temps.

Chaque nom de liturgie invoque ou rappelle l'axe nocturne des offices : l'hespérinon, le crépusculaire - les vêpres; l'apodipnon, l'après-dîner - les complies; le nyktérinos, le nocturne, qui est la principale liturgie; l'agrypnion, le sans-sommeil, la vigile. Seul, l'orthros, qui signifie aurore, et se célèbre à l'aube comme les laudes, est un rappel du jour.

Oui, la nuit comme les eaux de la mer possède ici des épaisseurs multiples, des densités dont nous avons oublié l'existence, des résonances, des assonnances que seul nous restitue le vieux français quand il nomme Leçons de Ténèbres les offices du Vendredi Saint.

[fin de citation] ////////////////////////////////////////////////////////////
Autres extraits du même ouvrage de Jacques LACARRIERE, L'Eté Grec, 1976 :
[#] [SAINTS CAVALIERS] Saints militaires byzantins - chap. cartes de Cavaliers
[#chap. VII Le Chariot : Le Théâtre d'ombres grec, syncrétisme visuel

[#] 1952, Athos : rencontre de l'ermite Nikône - chap. VIIII L'ERMITE
[#] L'ermite pêcheur d'Athos - id.
[
#] [BARBE] [CHEVEUX LONGS] au Mont Athos - id.
[
#] [LAMPE] Arrivée par bateau dans la nuit - id.
[#] [SQUELETTE] Preuve de pureté - chap. carte XIII
[#] Le moine fou - chap. carte XV LE DIABLE
[#] Soleil intense en Argolide - chap. XVIIII LE SOLEIL    

Même auteur, autre ouvrage, Les Hommes ivres de Dieu (1975) : 
[#] chap. La Symbolique : "Symboles des ermites du désert selon Cassien
[#] chap. carte XII Le PENDV : "St Syméon l'Ancien et autres stylites"  
[#] chap. carte XII Le PENDV : "Les dendrites, reclus dans les arbres"

 

L  I  E  N  S 

L'AUTEUR :
Jacques Lacarrière  (1925-2005) : fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Lacarri%C3%A8re_(%C3%A9crivain)
Association des Amis de l'écrivain : www.cheminsfaisant.org/content/index.php

 

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