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\\\\\\\\ Le . monde . des . tarots . anciens
1 août 2011

L'attelage de l'âme selon Socrate

Un cocher en armure mène un ATTELAGE A DEUX CHEVAUX : tel est le résumé du programme iconographique de la carte VII Le CHARIOT dans tous les tarots anciens. Or cette image a été utilisée bien avant le XVe ou le XVIIe siècle. En effet, on la trouve utilisée dans l'Antiquité grecque, par Socrate. Son disciple, le philosophe Platon (427-347 avant JC), le rapporte dans son ouvrage intitulé Phèdre. Voici les passages en question :
(N.B. : Les notes explicatives de fin de volume sont également très inspirantes; elles figurent ici en-dessous du texte de l'extrait) 

Carte VII LE CHARIOT [#]

PLATON : Phèdre
texte établi par Claudio Moreschini, traduit par Paul Vicaire, notes par Guy Samama
Les Belles Lettres, collection de poche, 2002
[extrait] //////////////////////////////////////////////////////////////////////////

p. 55

Une fois démontrée [1] l'immortalité de ce qui se meut soi-même, on ne se fera pas scrupule de déclarer que c'est là l'essence de l'âme, sa définition. Tout corps en effet, qui reçoit son mouvement de l'extérieur, est inanimé; mais celui qui le reçoit du dedans, de lui-même, est animé, puisque la nature de l'âme consiste en cela même. S'il en est bien comme nous disons, si ce qui se meut soi-même n'est pas autre chose que l'âme, il s'ensuit nécessairement que l'âme ne peut naître et ne peut mourir. [...]

pp. 57-58

Imaginons donc l'âme comme une puissance dans laquelle sont naturellement réunis un attelage et un cocher, soutenus par des ailes.
-----> sur les ailes, cf. [#]

Chez les dieux, les chevaux et les cochers sont tous bons et de bonne race, mais hors de ce cas leurs qualités sont mêlées. Chez nous il y a d'abord celui qui commande, et conduit les deux bêtes attelées, mais si l'un des chevaux est excellent et d'excellente race, l'autre est tout le contraire, par lui-même et pour son origine : dès lors, la conduite de l'attelage, dans notre cas, est un métier difficile et ingrat. [2]

[...] Voici donc le grand roi des régions célestes, Zeus, qui conduisant son char ailé s'avance le premier, ordonnant et réglant toutes choses. Après lui vient l'armée des dieux et des démons, rangée en onze groupes [...] suivis de tous ceux qui le veulent et qui le peuvent [...] Quand ils vont au festin, au banquet, ils gravissent l'escarpement qui mène à la voûte soutenant le ciel : dans cette montée, les attelages des dieux, équilibrés et faciles à conduire, progressent avec aisance, mais les autres n'avancent qu'à grand-peine, car le cheval qui est rétif tire vers le bas, faisant  pencher le char vers la terre, et alourdissant la main du cocher qui n'a pas su le dresser.

C'est alors que l'épreuve et le combat suprêmes attendent l'âme. Car celles des âmes qui sont dites immortelles, quand elles atteignent le sommet s'avancent au dehors, se dressent sur le dos de la voûte céleste, et là, debout, se laissant emporter par la révolution circulaire, contemplent les réalités qui sont en dehors du ciel. [3] [...] L'essence qui n'a point de couleur ni de forme, l'essence qui est réellement, que seul est capable de voir le pilote de l'âme - l'intelligence, celle enfin qui est l'objet de la véritable science, occupe ce lieu-là. [4]

Dès lors la pensée divine, qui se nourrit d'intelligence et de savoir sans mélange - et aussi la pensée de toute âme qui va recevoir l'aliment qui lui convient - apercevant enfin l'être en soi, en éprouve de la joie, et dans cette contemplation de la vérité trouve sa nourriture et son délice, jusqu'à l'heure où le mouvement circulaire la ramène au même point. Or, tandis que s'accomplit ce tour, elle contemple la Justice en soi; elle contemple la Sagesse; elle contemple la Science [...] Une fois qu'elle est de retour dans sa demeure, son cocher installe ses chevaux devant leur mangeoire, y jette l'ambroisie, puis leur fait boire le nectar.

Voilà quelle est la vie des dieux. Parmi les autres âmes, celle qui suit le mieux le dieu et lui ressemble dresse la tête de son cocher vers l'espace qui est en dehors du ciel, le mouvement circulaire l'emporte mais, embarrassée par ses chevaux, elle a grand-peine à porter les yeux sur les objets réels. Telle autre tantôt s'élève, tantôt s'enfonce, ses chevaux gagnent à la main, elle aperçoit certaines réalités, mais inversement certaines lui échappent. Les autres âmes, qui aspirent toutes à s'élever, prennent la suite, mais leur faiblesse les fait sombrer dans le tourbillon qui les emporte, elles se piétinent entre elles, elles se bousculent, chacune essayant de devancer l'autre. Le tumulte, la rivalité, l'effort violent sont à leur comble, et là, par la faute des cochers, beaucoup d'âmes sont estropiées, et beaucoup ont leurs ailes fort abîmées. Mais toutes, en dépit de leurs efforts, s'éloignent sans avoir atteint la contemplation de l'Être, et dès lors ont l'Opinion pour nourriture. La raison de ce grand effort pour voir où est la Plaine de la Vérité [5], c'est que la pâture qui convient à la meilleure partie de l'âme se tire de la prairie qui s'y trouve [...]

pp. 67

Comme je l'ai dit, toute âme d'homme, par nature, a contemplé l'être véritable; autrement elle ne serait pas venue dans cette créature vivante. Mais se ressouvenir des choses de ce monde-là à partir des choses de celui-ci n'est point facile pour toute âme, ni pour toutes celles qui ont seulement entrevu les choses de là-bas, ni pour celles qui, après leur chute en ce lieu-ci, ont eu le malheur de se laisser entraîner à l'injustice par certaines fréquentations, et d'oublier ainsi les visions sacrées qu'elles avaient alors contemplées. Il n'en reste donc qu'un petit nombre qui conservent assez bien le don du souvenir [...]

pp. 69-71

En fait, la Justice, la Sagesse, tout ce qui est l'honneur des âmes, ne présentent aucun éclat dans leurs images d'ici-bas; c'est tout juste si la faiblesse des organes humains permet à quelques gens, en s'adressant aux représentations de ces objets, d'apercevoir les traits généraux du modèle représenté. La Beauté [6] resplendissait au milieu de ces visions; et c'est elle encore, après notre retour ici-bas, que nous saisissons par le plus clair de nos sens, brillante elle-même de la plus intense clarté. La vue, en effet, est la plus aiguë des perceptions qui nous viennent par l'entremise du corps, mais elle n'atteint pas la pensée pure. Celle-ci susciterait d'incroyables amours, si elle donnait d'elle-même une image aussi claire que celle de la Beauté, et qui touchât la vue - et il en serait de même de tous les objets dignes de notre amour. Or la Beauté a le privilège d'être ce qu'il y a de plus éclatant au regard et de plus digne d'être aimé.

Sans doute l'homme dont l'initiation n'est pas récente, ou bien qui s'est laissé corrompre, ne s'élance point rapidement de ce lieu-ci vers là-bas, vers la Beauté en soi, quand sur terre il contemple ce qui en porte le nom : aussi, loin d'élever son regard avec respect dans cette direction, il s'adonne au plaisir, et comme une bête [7] se met en devoir de saillir, de répandre sa semence et, dans l'élan de sa frénésie, ne craint ni ne rougit de poursuivre un plaisir contre naturel. Par contre, celui qui vient d'être initié, celui qui s'est empli des visions de jadis, s'il voit un visage d'aspect divin, heureuse imitation de la Beauté idéale, d'abord il frissonne et quelque chose lui revient de ses angoisses de jadis. Puis, les regards fixés vers ce bel objet, il le vénère à l'égal d'un dieu, et, s'il ne craignait d'avoir l'air complètement fou, il offrirait des sacrifices à soon bien-aimé comme à une image sainte ou comme à un dieu. [...]

pp. 77-85

Au commencement de cette fable, nous avons dans chaque âme distingué trois parties : deux qui ont forme de cheval, une troisième qui a forme de cocher. Gardons cette image. Des deux chevaux, disons-nous, l'un est bon, l'autre ne l'est pas. Mais nous n'avons pas expliqué en quoi consiste l'excellence de l'un, ou le vice de l'autre. C'est ce qu'il faut dire à présent. Le premier, qui tient la meilleure place, a le port droit, il est bien découplé, il a l'encolure haute, la ligne des naseaux recourbée; sa couleur est le blanc; ses yeux sont noirs; il aime l'honneur en même temps que la modération et la réserve; il est attaché à l'opinion vraie [8]; nul besoin de le frapper pour le conduire, l'encouragement et la parole suffisent.

Le second, au contraire, est de travers, épais, bâti au hasard; il a l'encolure massive, sa nuque est courte et sa face camarde; sa couleur est le noir; ses yeux sont gris et injectés de sang; il a le goût de la violence et de la gloriole; ses oreilles sont velues, il est sourd, et il obéit à peine au fouet et à l'aiguillon.

Quand donc le cocher, contemplant le bel objet de son amour, et sentant une chaleur se répandre dans toute son âme, se laisse envahir par le chatouillement et les aiguillons du désir, le cheval docile au cocher se contraint comme toujours à la réserve et se retient de bondir sur le bien-aimé; mais l'autre, sans souci de l'aiguillon du cocher ni du fouet, saute et s'emporte avec violence [9]; il donne toutes les peines du monde à son compagnon d'attelage et à son cocher, et il les contraint à se porter vers le jeune garçon et à lui parler des délices d'Aphrodite. Tous deux, au début, résistent, et s'indignent qu'on les oblige à une démarche hardie et criminelle, mais à la fin, quand il n'y a plus de limite à leur mal, ils se laissent entraîner, ils cèdent et acceptent de faire ce qu'on leur demande.

Les voilà donc tout près : ils contemplent l'apparition flamboyante du bien-aimé. A cette vue [10], la mémoire du cocher se porte vers l'essence de la Beauté; il la revoit avec la Sagesse, debout sur son socle sacré. Cette vision le saisit de crainte et de respect, il se renverse en arrière. En même temps il est forcé de tirer si vivement les rênes que les deux chevaux tombent sur leur croupe : l'un sans contrainte, parce qu'il ne résiste pas, l'autre, le révolté, tout à fait malgré lui. Tandis qu'ils s'écartent, l'un, de honte et de stupeur, mouille de sueur l'âme entière; l'autre, une fois passée la douleur causée par le mors et la chute, n'a pas plus tôt repris son souffle qu'il s'emporte, accable de reproches et d'outrages le cocher et son compagnon d'attelage, sous prétexte qu'ils ont, par lâcheté indigne, abandonné leur poste et trahi leur parole. En dépit de leur refus, il veut les contraindre à revenir à la charge, et c'est à grand-peine qu'ils obtiennent de lui un délai. Quand arrive le moment convenu, comme ils font semblant tous deux d'avoir oublié, il réveille leur mémoire, il les tourmente, il hennit, il tire, et les oblige à s'approcher du bien-aimé, pour lui tenir les mêmes discours. Une fois qu'ils sont près de lui, il avance la tête, déploie la queue, mord le frein, tire sans vergogne. Mais le cocher, encore plus ému cette fois-ci, se rejette en arrière comme devant une barrière, tire encore plus violemment le frein du cheval emporté, l'arrache à ses dents, fait saigner sa langue insolente et sa mâchoire et, forçant ses jambes et sa croupe à toucher terre, il le livre aux douleurs

Quand, traitée plusieurs fois de cette façon la bête vicieuse a perdu sa fougue, elle se sent domptée, elle suit désormais la décision réfléchie du cocher, et quand elle voit le beau garçon, elle meurt de frayeur. Il en résulte que l'âme de l'amoureux est dès lors pleine de réserve et de crainte, lorsqu'elle suit son bien-aimé. Ainsi le jeune homme devient l'objet, comme un dieu, d'une dévotion sans bornes : son amant ne simule pas, il est véritablement épris, et lui-même éprouve une amitié spontanée pour son adorateur. [...] Il [le bien-aimé] ne comprend pas ce qu'il éprouve et ne peut non plus l'expliquer. Comme un homme qui a pris une ophtalmie à un autre, il ne peut en dire la cause, et il oublie qu'il se voit lui-même [11], dans son amoureux, comme dans un miroir. En la présence de l'autre, il cesse comme celui-ci de souffrir, en son absence il éprouve les mêmes regrets, et il est regretté de la même façon : il éprouve un "contre-amour", image réfléchie de l'amour. Mais il ne l'appelle pas amour : il ne croit pas qu'il s'agit de cela, il n'y voit qu'amitié. [...]

Tandis qu'ils sont étendus côte à côte, le cheval indiscipliné de l'amoureux a quelque chose à dire au cocher, il demande un peu plus de plaisir en récompense de tant de peines. Celui du bien-aimé n'a rien à dire; mais, gonflé de désir sans en comprendre la raison, il entoure l'amoureux de ses bras, il lui donne des baisers, comme on caresse un tendre ami, et quand ils sont étendus l'un près de l'autre, il est prêt à ne pas refuser, pour sa part, ses faveurs à l'amoureux, s'il les lui demande. Mais d'un autre côté son compagnon d'attelage se joint au cocher pour s'y opposer au nom de la réserve et de la raison.

Supposons à présent que la partie supérieure de l'esprit l'emporte, et conduise à une vie réglée et à l'amour de la sagesse : ils passent leur existence ici-bas dans le bonheur et l'union. Maîtres d'eux-mêmes, réglés dans leur conduite, ils ont réduit en esclavage ce qui faisait naître le vice de l'âme, et libéré ce qui produisait la vertu. [12] [...] Si au contraire ils ont vécu de façon grossière, sans l'amour de la sagesse mais avec celui des honneurs, alors sans doute dans l'ivresse du vin ou dans un autre moment d'oubli, les deux chevaux indisciplinés des deux attelages, trouvant les âmes sans défense, s'unissent pour les conduire au même but; ils choisissent ainsi, au jugement de la foule, la plus haute félicité, et arrivent à leurs fins. La chose faite, ils y reviennent encore, mais rarement, car cette conduite n'est pas décidée par l'âme toute entière. Amis, ils le sont sans doute, mais moins que les premiers. [13] 

 

Notes de Guy Semama, agrégé de philosophie, en fin de volume : 
(simplifiées par le blog)

[1] Note 48 du volume :
la démonstration de l'immortalité de l'âme précède le mythe qui expose sa composition. Que seraient les dieux s'ils n'étaient pas immortels ? La démonstration a donc surtout besoin d'être menée pour les hommes, qui participent à l'existence des dieux. La métempsychose, selon laquelle les âmes habitent plusieurs corps [...] et la participation à la vie des dieux sont peut-être puisées dans un vieux fond pythagoricien ; la preuve de l'immortalité aurait d'étroits rapports avec un argument attribué à Alcméon de Crotone. Elle serait la sixième preuve si on la compare au Phédon, qui en comporte quatre, et à La République, qui en comporte une, mais la seule de son genre, par l'automotricité. [...]

La première partie de la preuve établit que l'âme est toujours en mouvement, d'un mouvement, continuel, pendant l'existence, mais non que le mouvement est éternel. D'où une deuxième partie qui doit l'établir : un principe ne peut provenir de rien d'autre, sinon nous serions entraînés dans une régression à l'infini. Si nous appliquons cette logique à ce qui se meut soi-même, ce qui se meut soi-même est immortel et constitue l'essence et la définition (ce qui saisit l'essence) de l'âme.
La nature de l'âme est d'être source de mouvement. L'âme est ce mouvement qui a le pouvoir de se mouvoir soi-même. donc, si ce qui se meut soi-même est l'âme, elle est nécessairement inengendrée et immortelle, parce qu'en mouvement, donc vivante, continuellement et éternellement.

Ce raisonnement implique d'un côté que l'univers soit fini et hiérarchisé (cosmos), de l'autre que le pouvoir de se mouvoir, venant de l'intérieur de soi-même, résulte de la présence intérieure de l'âme.


[2]
Note 49 du volume : 
Le char ailé est une image de la composition de l'âme et de ses conflits. Nous connaissons déjà  le cocher et le second cheval : l'intelligence et le désir au ventre du premier discours de Socrate (237 e). Ce qui est nouveau, c'est la présence d'un troisième élément, le cheval noble et bon. La République (IV, 439-440) envisage la tripartition de l'âme sous le rapport de la justice : le thumos, source des émotions nobles, a le coeur à l'ouvrage, mais, recevant l'ouvrage d'un autre, il est au service du bien comme du mal; il peut donc faire alliance avec l'intelligence (premier cheval); l'épithumia est le désir du ventre (deuxième cheval); l'intelligence (le cocher est logistikon) dirige ou calcule.

La différence entre les âmes humaines et divines  provient de ce que l'attelage des premières comporte des chevaux de nature contraire, alors que, chez les secondes, les deux chevaux ont part à l'excellence du cocher. Les dieux étant entièrement rationnels, leurs chevaux ne font que tirer l'attelage; les hommes, au contraire, mélange de rationalité et d'irrationalité, d'élévation et de bassesse, sont tirés à hue et à dia. En introduisant le bon cheval, Socrate suggérerait que la philosophie n'est pas seulement une élaboration conceptuelle, mais qu'elle est attrayante, produisant un élan (ormé) vers elle, donc vers la pensée. Or cet élan est le véritable amour [...]


[3] Note 54 du volume : 
"Les réalités qui sont en-dehors du ciel" sont les Formes immatérielles, premiers objets de définition, et dont les autres "réalités", celles de ce monde, sont des images, donc des leurres. [...] L'indignité du poète ne viendrait pas de la faiblesse du discours, mais de la trop grande dignité de l'objet.

[4] Note 55 du volume : 
Cette "essence qui est réellement", immatérielle, est perceptible par le seul esprit. La connaissance qui en provient ne peut être, à son tour, que pure. Au contraire, la connaissance des choses changeantes (les objets physiques) est elle-même changeante. Elle est, non une vraie connaissance, mais une opinion. Telle est la nourriture des âmes autres que celles des dieux; leur existence sera donc insatisfaite, puisque la vie parfaite est celle de l'esprit contemplant ce qui est immatériel.

[5] Note 56 du volume : 
Cette plaine de la vérité est une allusion à la Plaine Elyséenne, aux extrémités de la terre, chez Homère, séjour "ensoleillé" des hommes vertueux après la mort; cf. Odyssée, IV, 563 sq. 

[6] Note 61 du volume : 
Parmi toutes les Idées, le privilège de la beauté est qu'elle est au point de départ du visible. Au contraire de la justice, de la vertu, de la sagesse (pour lesquelles une éducation est nécessaire - cf.  La République, et Les Lois), elle est saisie aussitôt qu'aperçue, car voir une chose, c'est voir une chose qui est (fidélité ontologique de la vue). A la jointure du visible et de l'intelligible, elle ouvre la voie à la vision du sage : car vue elle est d'abord ce qui fait voir; or les amoureux non philosophes, entraînés par le mauvais cheval, en restent à son dehors, donc à une mauvaise appréciation de ce qu'elle est; de telle sorte que l'amoureux doit être philosophe pour comprendre la circularité parfaite qui existe entre le regard (en l'absence d'un voyant, il n'y a pas de vision), la visibilité des choses, la conscience de sentir, et ce qui est vraiment. Le regard étant l'émanation de l'âme, donc de ce qui en l'homme est le plus subtil et le plus proche du divin, et la beauté étant ce qu'il y a de plus éclatant au regard, ce qui est noué ici n'est rien moins que la liaison ontologique entre l'amour et la philosophie : visée du Phèdre tout entier.

[7] Note 63 du volume : 
Celui qui se comporte en animal poursuit un plaisir contre nature parce qu'il a oublié l'origine de la beauté. Mais l'état de celui qui n'a pas oublié n'est apparemment guère plus enviable : agité, chatouillé, irrité, il frissonne de la fièvre d'amour et de ses effrois de jadis; transporté hors de lui, ne s'appartenant plus, il ne se (re)connaît plus.

[8] Note 72 du volume : 
L'opinion vraie n'est pas la science, mais n'en est pas très éloignée [...], cf. Le Banquet (202a) et le Timée (51 d). [...] Elle peut être acceptée comme un "équivalent" de la science chaque fois que nous ne pouvons atteindre à la science démonstrative. [...] A la fin du Thééète, elle est placée fort au-dessus de la sensation. [...] Ici, le bon cheval se tient le plus près possible de la science sans y accéder. Ce n'est pas la violence qui le conduit, c'est la douceur du discours, contenant une force de persuasion. 

[9] Note 73 du volume : 
Même dans l'âme du bon amoureux, le mauvais cheval oppose encore une résistance qu'il faut vaincre. L'alliance du cocher et du bon cheval doit donc faire contrepoids.

[10] Note 74 du volume : 
C'est une double vision. Le cocher, à la vue de la beauté de l'aimé, se souvient d'une autre vision, qui est celle de la pensée. Cette vision, intérieure et antérieure, le plonge dans un état comparable à celui de l'initié au terme du Mystère lorsqu'il voit son idole. cf. note 63

[11] Note 76 du volume : Cette "réflexion" chez l'aimé de l'amour en contre-amour peut être éclairée par [...] l'Alcibiade; [...] l'oeil qui se voit lui-même dans un autre  est présenté à son tour comme un paradigme de l'âme qui, pour se connaître elle-même, doit regarder vers ce point d'une autre âme qui est le meilleur en elle : sa sagesse. Donc, à partir de cette théorie du reflet, le contre-amour pourrait s'expliquer comme n'étant rien d'autre qu'un amour se voyant [...] un reflet de l'amour, et un effet d'irradiation d'un point divin dans l'âme.

[12] Note 77 du volume : La vertu, pour Socrate, consiste d'abord dans l'élimination du désir de satisfaction sexuelle (cf. le procès en abstinence qui lui est fait par Alcibiade dans Le Banquet) [...] 

[13] Note 79 du volume : 
Sont distingués trois sorts et trois sortes d'amoureux : le philosophe - amoureux idéal de la pensée-, le philotime - amoureux des honneurs -, le philokerde - amoureux du gain (tout objet de convoitise). L'amour apporte des bienfaits en relation à chaque sorte d'amoureux. Dans La République IX (580d), ces trois types d'hommes sont en correspondance avec trois types de plaisirs, distingués par la fonction dominante de l'âme : "appétitive" chez le dernier, de fougue ardente chez le second, d'intelligence, enfin, chez le philosophe. [...] Socrate décrit maintenant l'amour de la seconde espèce, comprenant peut-être les suivants d'Arès, dieu de l'ardeur guerrière. Socrate peut ainsi montrer que, même dans un amour idéal, l'attraction physique ne peut pas être négligée totalement : l'amour demeure une relation individuelle passionnée. Mais Socrate peut parler ainsi parce qu'il s'est précédemment assuré d'un arrière-fond : la vision céleste de la pensée. [...]

[fin de citation] ///////////////////////////////////////////////////////////////
Même ouvrage, autre extrait :
[AILE] L'aile est ce qui participe le plus au divin (carte XIV TEMPERANCE)  [#]

 

L  I  E  N  S 

 

PLATON (427-347 avant JC) :
www.philonet.fr/auteurs/Platon.html

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