Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
\\\\\\\\ Le . monde . des . tarots . anciens
12 novembre 2011

Le double attrait (P. Molinié o.p.)

Ce chapitre d'un prédicateur dominicain contemporain porte sur le DOUBLE ATTRAIT en nous, vers la lumière et vers les ténèbres. Comment ne pas le relier avec l'hésitation du personnage de la carte de tarot VI l'Amoureux ?!

carte VI L'AMOUREUX (sommaire) [#]

Père Marie-Dominique MOLINIE (1918-2002) Le Courage d'avoir peur Editions du Cerf. 1ère édition : 1975
/////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////

extrait pp. 116 sq.

La prudence chrétienne ne consiste pas à éviter les accidents d'automobile [...]. Cette vertu ne nous protège pas des aventures, mais subordonne au contraire toute sagesse humaine à la Grande Aventure, la seule folie qui mérite d'être vécue : la recherche de Dieu. Nous n'avons pas le droit de nous lancer dans cette aventure au petit bonheur, au gré de nos désirs ou de nos inquiétudes. [...]

La purification passive, c'est tout simplement Dieu qui "intervient"... au sens chirurgical du mot. Quand on a compris cela, la pratique de la vie chrétienne ne pose plus qu'un seul problème : est-ce que j'accepte qu'Il intervienne, oui ou non ? Je vous promets de Sa part qu'Il ne vous demande rien d'autre. Seulement, il faut que cela soit lucide et sincère : il faut qu'on sache qu'il va se passer quelque chose (et qu'on l'accepte). Et il ne suffit pas de donner son consentement en général, de se soumettre en général à la volonté de Dieu : car Dieu est timide avec nous, comme tous les gens qui aiment. Il faut lui donner la permission pour cela, pour cette opération. [...] Voyez la Sainte Vierge : Elle avait donné sa liberté depuis toujours; pourtant, Il a éprouvé le besoin de lui demander la permission de s'incarner : il a fallu qu'elle dise oui à cela, qu'elle dise "Fiat" à cette idée précise.

Cette intervention de Dieu, c'est une assez grosse affaire. Comment nous demande-T-il la permission ? Cela varie beaucoup, c'est quelquefois violent et rapide, quelquefois lent et insidieux. Nous avons reçu la foi pour entendre cette requête. C'est en fin de compte le seul but : avoir la foi n'est pas une fin, c'est le commencement des surprises, dans le sens de la misère comme dans le sens de la splendeur. C'est beaucoup plus beau qu'on ne croit, mais pas du tout comme on le croit. [...] Pour franchir certaines passes, il faut accepter une intervention nouvelle de Dieu - et au besoin il faut la lui demander. [...] Il faut consentir, il faut se livrer dans les mains d'un Autre. C'est difficile à notre nature, non pas que ce soit douloureux, mais parce que c'est humiliant.

 

Nous sommes des êtres tiraillés, en proie à deux courants. Nous ne sommes pas les maîtres de notre machine, ni dans le sens du bien ni dans le sens du mal : ce qui mène le monde, ce sont les réalités invisibles, les anges de lumière et les anges de ténèbres. Il ne faut pas nous imaginer que notre capacité de faire le mal se limite aux virtualités de notre misère : elle s'étend à ce que les anges peuvent en faire... Mais d'autre part, fort heureusement, notre capacité pour le bien se mesure à ce que Dieu peut tirer de cette même misère.

Nous sommes sollicités à tout instant par le double attrait d'un pôle de lumière et d'un pôle de ténèbres. Pour devenir un Saint, il suffit de dire oui au courant qui nous entraîne vers la lumière. Nous n'avons pas à fabriquer le courant : il est là. Nous sommes sûrs d'être engloutis finalement par l'un de ces deux courants. [...] Cela date du peuple d'Israël dans le désert : "Regarde, Israël ! Je place devant toi la route du bien et la route du mal..." Mais nous cherchons toujours une troisième route : nous sommes des utopistes, nous espérons ne pas être dévorés, ni par le bien ni par le mal. [...]

Les êtres humains sont travaillés par ces deux courants souterrains : travail invisible mais profond, qui explique seul les excès auxquels la plupart se livrent, dans tous les sens. Ceux qui voudraient bâtir "un monde meilleur" s'imaginent qu'ils vont trouver des hommes raisonnables ! Ce n'est pas possible : l'homme raisonnable serait celui qui n'est entraîné par rien, ni par la folie des ténèbres, ni par celle de l'amour de Dieu.

Ce que j'appelle les purifications passives, c'est un cas particulier de ce double attrait, de cette "postulation simultanée" pour le bien et pour le mal, qui s'exerce en tout homme. Quel cas ? Celui des prédestinés à une certaine incandescence de l'amour de Dieu, à un certain excès de l'amour du Christ ... ceux que l'abbé Pierre appelle les excessifs de l'amour, autrement dit les saints. Ceux-là sont travaillés d'une manière spéciale, qui a ses lois propres.

Pourquoi les purifications sont-elles douloureuses ? N'y voyez surtout pas une exigence pure et simple de la Justice, une question de dette ou de châtiment : je vous l'ai dit, toute dette est payée par le Sang du Christ. [...] La purification passive est douloureuse dans la mesure où elle implique une conversion. Au moment où nous atteignons l'âge de raison, la plupart d'entre nous [...] restent vulnérables aux sollicitations d'un monde pécheur. Même si ces hommes ont la grâce exceptionnelle d'éviter le péché mortel, ils n'éviteront pas le péché véniel qui secrète une sorte de croûte ou de kyste empêchant la grâce trinitaire de s'épanouir en plénitude. Cette croûte se renforce avec les années, elle se développe à l'abri de la vertu, créant en nous cette force cruelle que St Jean appelle l'orgueil de la vie.

L'orgueil de la vie n'est pas l'orgueil pur et simple qui consiste à refuser l'infini (le véritable infini) en lui préférant l'idolâtrie de nos limites. L'orgueil de la vie s'éveille à l'occasion des biens sensibles, nous n'en sommes pas entièrement maîtres, et c'est pourquoi il peut être pardonné. [...] Toutes les fautes ne sont pas à mettre dans le même panier. Or ce sont bien souvent les fautes qui font le plus de bruit, les plus visibles et les plus humiliantes, qui sont les moins dangereuses. Alors, nous risquons beaucoup, dans nos efforts de perfection, de filtrer la mouche et d'avaler le chameau. Pour éviter cela, il faut savoir discerner ce qui est important pour le moment, être attentif à ce que Dieu nous demande pour le moment. Il peut y avoir de longues années où un gros défaut qui dérange tout le monde, Dieu ne s'en occupe pas. [...]

 

Comment faire ce discernement ?  En recherchant le domaine où s'exerce le plus profondément l'orgueil de la vie. Certaines fautes sont presque de pure faiblesse en nous : la gourmandise, le bavardage, la colère peuvent être parfois des fautes dangereuses, mais la plupart du temps elles ne le sont pas car elles n'impliquent pas ce vertige, cette griserie agréable ou douloureuse dans laquelle nous sentons une certaine exaltation de notre moi, un épanouissement et une auto-satisfaction auxquels notre subconscient est férocement attaché (c'est pourquoi cela coïncide souvent avec ce que la psychanalyse appelle nos complexes).

Or il est extrêmement difficile de trouver ce point névralgique. C'est l'histoire du clochard qui fait ses comptes, à partir d'un budget de quarante sous : "Vingt sous de vin, dix sous de pain, dix sous de saucisson - Oui mais ça ne fait pas beaucoup de saucisson, alors je recommence : Vingt sous de vin, douze sous de saucisson, huit sous de pain - ça ne marche pas non plus, y a pas assez de pain, faisons un effort : vingt sous de vin, neuf sous de pain..." etc. Il ne refuse pas de faire des efforts à propos du vin, il n'y pense même pas : c'est la poutre qu'il a dans l'oeil.

Nous avons tous nos vingt sous de vin. Nous sommes prêts à faire des efforts, quelquefois héroïques : mais pas sur le point que nous ignorons et qui nous est plus cher que la vie. [...] Dans le vin, le clochard trouve une exaltation qui ne lui donne pas seulement tel ou tel plaisir limité, mais une certaine saveur d'infini... L'orgueil de la vie vient se nicher dans toutes les choses, parfois sordides et parfois très nobles, dans lesquelles nous mettons de l'infini, et auxquelles nous demandons non seulement le plaisir, mais la béatitude.

[...]

Dès que nous souffrons trop de ne pas atteindre notre objectif de perfection, nous devons nous méfier, cet orgueil pouvant se fixer, comme un parasite, même sur des oeuvres dont la racine est surnaturelle. Il se cache de toutes ses forces, et c'est pourtant lui qu'il faudrait attaquer pour avancer dans les voies de Dieu : c'est la première chose à soigner. [...] Le point le plus urgent, finalement, nous ne pouvons pas le découvrir par nous-mêmes : il faut que Dieu nous le révèle, et la plupart du temps, Il le fera en l'attaquant Lui-même ... ce qui nous ramène aux purifications passives. [...]

Celui qui ne comprend pas cela et cherche à se soigner lui-même est semblable à un homme qui entrerait dans une pharmacie pour y prendre au hasard un médicament en disant : je vais essayer ceci ou cela. La nature humaine à elle seule ne peut rien faire d'autre. Nous voyons telle ou telle vertu chez un de nos frères, nous essayons de l'imiter : c'est du mimétisme ... c'est de l'orgueil de la vie en plein ! [...] tout cela revient à dire que nous sommes malades. Nous disons bien théoriquement que nous sommes pécheurs, mais nous ne comprenons pas du tout ce que cela veut dire, et qu'il est très imprudent de partir à l'assaut de la perfection. Il ne s'agit pas de partir à l'assaut de la perfection, mais de subir un traitement que nous ne connaissons pas. [...] La volonté de Dieu est que nous allions jusqu'au bout de la purification dès ici-bas ... [...] On ne se rend pas entièrement, mais on subit le traitement : le Saint-Esprit nous attire, nous travaille et nous retourne avant même que les Trois puissent venir en nous pour y établir leur demeure. [...]

 

Dès le début, nous subissons une tension entre les racines de l'orgueil de la vie (qui se fortifient à chaque endurcissement de notre part) et l'amour de Dieu, qui attire d'autant plus qu'on lui ouvre davantage le coeur. Tant qu'une racine n'est pas morte, elle a tendance à se fortifier et à se développer. Pendant un certain temps, l'amour de Dieu et l'orgueil de la vie se développent parallèlement sans trop se gêner, ils vivent en bon voisinage - et c'est à peu près l'idéal que nous nous faisons de la vie chrétienne ... Seulement, à mesure que chacune des deux forces grandit, le bon voisinage commence à se gâter et il se produit entre elles une tension qui détermine une crise. C'est comme un abcès qui gonfle de plus en plus jusqu'à une sorte de paroxysme où l'abcès vient à crever et l'amour de Dieu triomphe.

Cette série de crises ne se termine qu'avec la mort des racines qui alimentent l'orgueil de la vie - et cette mort ne peut se produire qu'à la faveur du paroxysme en question. Nous pouvons (plus ou moins bien) juguler le vieil homme en le forçant à se taire : nous ne pouvons pas le tuer. [...] Ce n'est pas un acte de vertu qui triomphe de ce corps de mort : pour mourir, il n'y a pas d'acte à faire. [...]

Nous sommes déchirés, et là nous disons : Je sens deux hommes en moi. Comment cela se terminera-t-il ? Et bien, à un moment donné, on n'en sent plus qu'un - sans qu'on sache pourquoi ni comment. [...]

Un jour, la racine qui alimente notre inquiétude mourra. Nos problèmes mourront d'inanition. Ils ne seront pas résolus, ils seront dépassés et balayés par l'océan de la Paix. Il n'y a pas de solution à nos tourments, il n'y a que leur mort ... Je ne sais si vous avez remarqué que le Christ ne répond presque jamais aux questions qu'on Lui pose (surtout dans Saint Jean) : Il répond autre chose ... De même pour nous : quelque chose nous tourmente, Dieu se tait - et puis un beau jour cela ne nous tourmente plus, nous ne savons pas pourquoi. Notre question était sans réponse, elle est toujours sans réponse. La seule différence, c'est que cela ne nous gêne plus ...

[fin de citation] ///////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////
Même ouvrage, autre extrait : (carte XVI) Laissez-vous faire ! [#]  

 

L  I  E  N  S 

ABBE PIERRE : www.abbepierre.org/
EPHRAÏM sur l'orgueil de la vie : 
www.feuetlumiere.org/mieux-le-connaitre/dosiers/special-careme/jesus-me-guerit-de-lorgueil.html 

Publicité
Commentaires
\\\\\\\\ Le . monde . des . tarots . anciens
  • Textes ou images ... EN CORRESPONDANCE avec l'iconographie des anciens jeux de tarot : italiens (XVe siècle), Noblet et Viéville (Paris, ca 1650), Payen (Avignon ca 1713), Dodal (Lyon, ca 1701-1715), Conver (Marseille 1760) ...
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 602 365
Derniers commentaires
Archives
Publicité