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\\\\\\\\ Le . monde . des . tarots . anciens
19 novembre 2011

Chevalerie et Trêve de Dieu (Ivan Gobry)

Description complète du système de la chevalerie. 

Cartes de Cavaliers [#] - d'Epées [#]
Régine PERNOUD : Chevalerie [#]

Ivan GOBRY : La civilisation médiévale TAILLANDIER, 1999 (ISBN  2-235-02211-1)
[extrait pp. 204 sq.] //////////////////////////////////////////////////////////////////

Serment de chevalier - XIVe s BNFSerment de chevalier, XIVe s., BNF, medieval.mrugala.net

Institution religieuse dans son inspiration, la chevalerie est une institution civile dans ses membres et dans son usage; de même qu'elle est guerrière dans ses membres et sainte dans ses objectifs. Ceux-ci sont de mettre dans la guerre, considérée comme nécessaire du fait du prince et des évènements,
- un ordre moral qui proscrit toute action répréhensible (c'est donc une forme de justice) et
- un ordre religieux qui élève les sentiments de la guerre au-dessus de la cupidité et de la haine.

Il semble bien que la chevalerie soit née en France sous le règne des premiers Capétiens. Au départ, elle fut une société aristocratique et fermée, une sorte de corporation de la noblesse. On y était admis sous des conditions rigoureuses. Il fallait prouver plusieurs quartiers de noblesse, avoir servi dans son château un seigneur renommé, comme page ou comme damoiseau, dès l'âge de sept ans, avoir reçu de lui une formation dans l'équitation et les arts martiaux, l'avoir suivi dans les chasses et dans les tournois, montré bravoure et magnanimité. A quatorze ans, le garçon était mis "hors de page"; il devenait écuyer (porteur de l'écu), avait soin de l'écurie, accompagnait son seigneur à la guerre et combattait à son côté. Jusque-là, rien de très différent de ce que pratiquaient les garçons de la caste nobiliaire sous les Mérovingiens et les Carolingiens, avec certes plus de méthode et plus de contrainte. C'était alors que, à partir de la fin du XIe siècle, la corporation devint confrérie religieuse.              


Roman Tristan en prose XVe maitre de Charles du MaineThanor adoube Apollo (1440-1460)
enluminure du Roman de Tristan en prose

                                            Ecole française, XVe s. 
Musée Condé, CHANTILLY - Ms 648 f.13v. - www.photo.rmn.fr

A vingt et un ans, l'écuyer, s'il avait satisfait à sa longue épreuve, était, à sa demande, armé chevalier. La cérémonie était solennelle. Après un bain, qui signifiait la purification de l'âme, il était revêtu d'une robe blanche, symbole de chasteté, puis d'une robe rouge, symbole du sang qu'il devait verser pour la défense de Dieu et de l'Eglise, et d'un justaucorps noir, symbole de la mort. Après une journée de jeûne et une nuit de prière (la veillée d'armes) au cours de laquelle il recevait le sacrement de pénitence, il assistait à la messe du Saint-Esprit. Le prêtre bénissait l'épée et prononçait une courte allocution, par laquelle il avertissait le candidat qu'il ne devait l'employer que pour la défense des Lieux Saints, des veuves et des orphelins.

Après quoi, le célébrant chantait une oraison :
       "Seigneur, de même que vous avez accordé à votre serviteur David la victoire sur Goliath,
        et à Judas Macchabée le triomphe sur les nations qui n'invoquaient pas votre nom,
        ainsi  donnez à votre serviteur qui courbe la tête sous le joug de la sainte milice
       la force et le courage pour la défense de la justice et de la foi."

L'officiant bénit alors l'épée, donnant au jeune homme le baiser de paix et le conduisait au seigneur désigné pour le recevoir dans le sein de la chevalerie.  Celui-ci le frappait sur l'épaule du plat de l'épée nue, et déclarait solennellement : "Au nom de Dieu, de Saint Michel et de Saint Georges, je te fais chevalier". Il donnait à son tour le baiser de paix, et ceignait le nouveau chevalier de l'épée.

Les parrains d'armes le revêtaient de sa tenue de guerre :

  • haubert (cotte de mailles),
  • casque,
  • écu (bouclier),
  • brassards, cuissards et gantelets,
  • et ils lui remettaient ses armes : lance, poignard, hache, masse d'armes.

Il avait désormais droit à l'appellation de monseigneur ou de messire, et sa femme à celle de madame.

La chevalerie conférait un tel caractère de noblesse, différent de celui du sang, et religieusement plus éminent, que tous les princes voulurent être armés chevaliers. Tous les rois de France le furent à partir de Louis VI (1097). L'institution gagna l'Angleterre (avec la noblesse normande), l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne ... En même temps que la chevalerie prenait un caractère religieux, elle créait un idéal courtois. Quand le chevalier n'était pas sur quelque champ de bataille, il pratiquait, à la Cour du Roi, dans son propre château ou dans celui de son suzerain, des vertus sociales de dévouement, de respect, de désintéressement, qui mirent surtout l'accent, dans la seconde moitié du XIIe siècle et au XIIIe siècle, sur l'amour gratuit d'une dame. Ce fut ainsi que naquirent les romans de chevalerie, où se détachent peu à peu ceux de la Table Ronde et du saint Graal, hérités de l'épopée celtique, et où brille l'exceptionnelle figure de Chrestien de Troyes.
------> sur les romans de chevalerie, cf Régine Pernoud [#

La chevalerie perdit son esprit dès le XIVe siècle. Pour des raisons techniques d'abord : l'intervention, dans le combat, des armes à distance, arc, arbalète, couleuvrine, rendirent inefficace la bravoure du chevalier. Pour des raisons morales ensuite : la corruption de la Cour, à partir de la fin du XVe siècle, détacha les seigneurs du dévouement religieux et de l'amour courtois; François Ier, à l'aurore des temps modernes, est le type même du héros sur le champ de bataille qui, retourné aux attraits de la paix, pratique et autorise autour de lui la licence comme un art noble.

A la chevalerie comme institution créée pour la pureté du guerrier, il convient d'associer la Trêve de Dieu (Treuga Dei), convention passée entre clercs et gens de guerre pour en faire cesser les maux. La première forme consiste dans la cessation de tout acte belliqueux contre les faibles et les pauvres. Nous en trouvons le premier exemple au concile de Charroux (989), qui porte l'anathème contre ceux qui pillent les biens des pauvres. Le second fut le concile du Puy, en 996, où se réunirent les évêques du Puy, de Viviers, de Valence, de Clermont, de Toulouse, de Rodez, d'Elne, de Glandève, ainsi que de nombreux seigneurs et abbés. Guy (Wido), évêque du Puy, en exprima les conclusions, ou Pacte de Paix, dans ce décret :

          " Comme nous savons que sans la paix, nul ne sera admis à la vision céleste de Dieu, 
            nous avertissons au nom du Seigneur tous et chacun des fidèles d'être des fils de paix,
            afin que, dans les évêchés et dans les comtés de cette province, à partir de ce jour,
            nul ne fasse irruption dans une église. Que personne ne ravisse chevaux, poulains,
            boeufs, vaches, ânes, ânesses, ni leurs fardeaux, ni moutons, chèvres, porcs.
            Que rien ne soit enlevé à son légitime propriétaire... 

            Que chaque seigneur se contente des produits de sa terre, alleu, fief ou commanderie. 
            Que les clercs ne portent pas les armes du siècle. Que nul n'attaque moines, ou pauvres
            voyageurs désarmés. Si quelque ravisseur maudit rompt cette institution de paix et
            refuse d'en observer les dispositions, qu'il soit excommunié, anathématisé et exclu de
            l'entrée de l'Eglise jusqu'à ce qu'il ait donné satisfaction...".
            (DARRAS, Histoire Générale de l'Eglise, t. XX, p. 191)

Les guerres continuant d'exercer leurs ravages malgré cet acte solennel des évêques et seigneurs du Midi, saint Odilon, abbé de Cluny, s'employa à en limiter au moins les méfaits. En 1033, il s'associa à d'autres abbés de son ordre pour proposer aux seigneurs de Bourgogne et d'Auvergne une déontologie de la guerre; ils reçurent l'assentiment des ducs de Bourgogne, du duc Guillaume VI d'Aquitaine, des sires de Bourbon. En 1041, Odilon et Richard, abbé de saint-Vanne, en publièrent la charte. En 1042, elle était proclamée dans tous les diocèses de France. Odilon demanda à trois évêques de Provence de co-signer avec lui un message aux évêques d'Italie pour leur demander d'observer la trêve de Dieu. De fait, celle-ci s'établira sous la protection des papes.

On trouve dans cette charte deux sortes de prescriptions.
- L'une, perpétuelle, concerne, comme les décisions de Charroux et du Puy, les non-belligérants et rappelle le décret de Guy du Puy.
- L'autre, temporaire, concerne les gens de guerre eux-mêmes, et limite les hostilités : cessation de tout acte belliqueux du mercredi soir au lundi matin. Ceux qui, ayant promis la trêve, la violeront, seront excommuniés.

Ces dispositions furent partiellement exécutées. Mais l'esprit guerrier de ce temps en triompha. Le baptême des barbares n'avait pas triomphé de leur mentalité millénaire, qui préférait la rapine au travail et l'affrontement à la transaction. La rudesse des moeurs ne s'adoucit pas; d'une part, les seigneurs n'ont nulle crainte de la mort, ni de la souffrance, ils se jettent dans des entreprises où ils ont de grandes chances d'être occis, et de toute façon d'occire les autres sans ménagement; d'autre part, ils manifestent pour la plupart une cruauté effrayante et, tenant pour rien les peines qui les menacent, ils en infligent volontiers de terribles aux autres. [...]

[fin de citation]//////////////////////////////////////////////////////////////////////
Même ouvrage, autres extraits :
Cartes de Deniers : Brève histoire de la monnaie  [#]
Carte II LA PAPESSE : [LIVRE] Bible chrétienne [#]
Carte V LE PAPE : Papes et empereurs à Ferrare/Florence [#]
Carte IX L'ERMITE : [ERMITE] Rapports ermites/pèlerins/moines [#]
St Romuald [#] - autres ermites fondateurs d'ordres en Italie [#]

 

L  I  E  N  S 

L'AUTEUR, Ivan GOBRY (°1927) : www.clio.fr/espace_culturel/ivan_gobry.asp

FAITS & CONCEPTS :
chevalerie : http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/chevalerie/33215
(
en anglais) http://www.newadvent.org/cathen/03691a.htm

LIEUX CITES
Concile de CHARROUX : www.diocese-poitiers.com.fr/patrimoine-culture-et-foi/presentation-des-eglises/eglises-de-la-vienne/1080-le-concile-de-charroux-de-989-et-la-paix-de-dieu
Diocèse du PUY : www.newadvent.org/cathen/09185b.htm
Abbaye de SAINT-VANNE (Meuse) : thesaurus.cerl.org/record/cnc00008484

PERSONNAGES CITES
Ordre de CLUNY : www.newadvent.org/cathen/04073a.htm
Saint Richard de SAINT-VANNE (+1046) : nominis.cef.fr/contenus/saint/1320/Saint-Richard-de-Saint-Vanne.html
Saint Odilon, abbé de CLUNY (962-1049) : www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/odilon/
FRANCOIS Ier, roi de France (1494-1547) : www.newadvent.org/cathen/06207a.htm
www.herodote.net/histoire/synthese.php?ID=198 

ILLUSTRATIONS :
Thanor adoube Apollo (1440-1460), enluminure du Roman de Tristan en prose (XVe s.) par le Maître de Charles du Maine, Musée Condé à CHANTILLY (France), Ms 648 -folio13 verso - source : www.photo.rmn.fr
Serment de Chevalier, miniature du XIVe s., BNF - medieval.mrugala.net

Autres images d'adoubement de chevalier au XVe siècle : smuhlberger.blogspot.com/2009/01/illustrations-of-knighting-ceremonies_18.htm

 

 

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