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23 septembre 2012

Le dernier Empereur d'Autriche

carte IV L'EMPEREVR [#]
sacre d'empereur [#][#]

Jean SEVILLIA : Le dernier empereur, Charles d'Autriche (1887-1922) - PERRIN 2009
[extrait pp. 61-71] //////////////////////////////////////////////////////////////////////

 

A 21 heures, [le 21 novembre 1916]  le médecin annonce que l'Empereur François Joseph est mort. Sa fille, l'archiduchesse Marie-Valérie, lui ferme les yeux. Quand Charles et Zita sortent de la chambre mortuaire, l'assistance s'incline devant eux. Le prince Zdenko von Lobkowicz baise la main de Charles, puis trace une croix sur son front en lui disant : "Dieu bénisse Votre Majesté". Ce fidèle est le premier à donner son titre au nouveau souverain.

Le lendemain, parmi les personnes qui se tiennent dans l'antichambre, se trouve la comédienne Katharina Schratt, amie de coeur de François Joseph. L'étiquette lui interdit de pénétrer dans la chambre impériale. Charles la prend par la main et la conduit devant le corps du défunt, à côté duquel elle dépose trois roses. Puis Zita amène Otto [leur fils], qui apporte un bouquet de violettes. Veillée pendant cinq jours à Schönbrunn, la dépouille mortelle est ensuite transférée à la chapelle de la Hofburg. Les obsèques sont célébrées le 30 novembre dans la cathédrale de Vienne. Le temps est froid, brumeux, et la solennité du cérémonial ajoute à l'austérité du deuil.

Avec François-Joseph, qui incarnait la dynastie des Habsbourg depuis 1848, est-ce l'Autriche impériale qu'on enterre ? Tout le monde le redoute. Et pourtant l'empereur est là. Il a maintenant le visage d'un homme qui n'a pas trente ans, au côté de qui s'avance, voilée de noir jusqu'aux pieds, une toute jeune femme déjà mère de quatre enfants. Entre eux se tient, boucles blondes et de blanc vêtu, leur fils Otto, qui vient d'avoir 4 ans. Le protocole avait prévu un autre ordre de marche pour le cortège. Mais Charles avait mis fin à toute discussion : "C'est moi qui choisis la forme de la cérémonie". [...]

 

Le jour de la mort de François Joseph, Charles signe son premier manifeste : "A mes peuples !". Rédigé et contresigné par le Premier ministre autrichien, Ernest von Koerber, publié le lendemain dans la presse, le texte ne se signale pas par son originalité. Le souverain y proclame son attachement à la liberté constitutionnelle, à l'égalité de tous devant la loi, à la liberté et à l'ordre. Tout juste remarque-t-on un passage ajouté à la demande de Charles : "Je ferai tout ce qui sera en mon pouvoir pour bannir dans les plus brefs délais les horreurs et les sacrifices de la guerre, et rendre à mes peuples les bénédictions regrettées de la paix, dès que le permettront l'honneur de nos armes, les exigences vitales de mes Etats, le respect de nos loyaux alliés et l'entêtement de nos ennemis."  

Le premier domaine où Charles intervient, c'est l'armée. Constitutionnellement, il en est le chef. Cet instrument unitaire, dans un Etat où cohabitent les populations les plus diverses, a toujours été l'objet des soins attentifs de la dynastie. Officiers et soldats portent la cocarde de l'empereur. Même si c'est par délégation, c'est de lui qu'ils reçoivent leurs ordres. En temps de guerre, ce lien intime entre le souverain et les militaires n'en est que plus fort. Le 22 novembre 1916, Charles adresse un ordre du jour à ses armées, en soulignant que lui aussi est un homme du front : [...]

Le 23 novembre, la réponse lui parvient du front, des camps et des casernes de tout l'empire. Les troupes de ligne, puis la réserve autrichienne et ensuite la réserve hongroise renouvellent le serment à l'empereur. Ce serment est d'abord prononcé par les officiers - en allemand, langue du commandement - puis par les hommes, dans une des douze langues réglementaires : "Nous jurons au Dieu tout-puissant un serment solennel, d'être fidèles et obéissants à Sa Majesté Apostolique, Notre Altesse Sérénissime, Notre Prince et Seigneur Charles, par la grâce de Dieu empereur d'Autriche, roi de Bohême, roi apostolique de Hongrie, etc."

Dix jours plus tard, le 2 décembre, Charles prend lui-même le commandement des forces terrestres et navales austro-hongroises. [...] Le 20 décembre, le comte Heinrich Clam-Martinic est nommé Premier ministre [de l'Autriche]. Représentant typique de la noblesse de Bohême, chef de la droite à la Chambre haute, il a courageusement rejoint son régiment, au début de la guerre, malgré sa haute position, afin de servir comme officier. [...]

La nomination capitale, toutefois, c'est celle du ministre des Affaires étrangères. La Double Monarchie n'ayant pas de chef de gouvernement commun, c'est lui qui apparaît, aux yeux de l'étranger, comme le premier ministre de l'Autriche-Hongrie. Le 22 décembre, le comte Ottokar Czernin est nommé au Ballhausplatz. Membre de la noblesse de Bohême, ce brillant sujet est entré sur protection dans la diplomatie impériale, sans passer les concours nécessaires. Après avoir été en poste  à Paris et La Haye, il s'est fait mettre en disponibilité pour faire de la politique, puis, revenu dans la diplomatie, a été ambassadeur en Roumanie. Czernin, qui a déjà été présenté à Guillaume II, est un partisan de l'alliance allemande. [...] En juillet 1916, il a rédigé un rapport développant des propositions de paix. Charles, en tant qu'archiduc héritier, a eu le document entre les mains, dont la teneur lui a plu. C'est ce qui vaut sa nomination à Czernin [...] Le nouveau ministre, toutefois, est un ambitieux, sûr de lui à l'excès. Il rêvait d'être Premier ministre d'Autriche. A Spitzmüller, il avait dit : "Le pauvre petit empereur a besoin d'un chef de gouvernement qui sache le conseiller" [...] [Il] se juge donc comme supérieur à son souverain. Le temps venu, les conséquences seront terribles. [...]

Le 22 novembre, alors que la dépouille de François Joseph repose encore sur son lit de mort, [l'ombrageux comte magyar Istvàn] Tisza, [Premier ministre de Hongrie renouvelé à son poste] se présente à Schönbrunn. Il s'est précipité à Vienne afin de convaincre Charles de se faire couronner le plus vite possible à Budapest. De par la constitution, le nouveau roi dispose d'un délai de six mois pour procéder à cette cérémonie. Mais, tant que celle-ci n'a pas eu lieu, il ne peut signer aucune loi. Or, en temps de guerre, la Hongrie ne peut courir le risque d'une paralysie institutionnelle. Le 23 novembre, Charles signe un rescrit qu'il fait contresigner par Tisza. Celui-ci le fait lire, quatre jours plus tard, au Parlement de Budapest : il y annonce son intention de se faire couronner le plus rapidement possible "roi de Hongrie, de Croatie-Slavonie et de Dalmatie".

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Insignes royaux de Hongrie img2.tar.hu/mollach/size2/22026391.jpg

Le couronnement de Charles et Zita a lieu le 30 décembre 1916. Les racines de ce rituel remontent au Moyen Age. Mais dans sa forme, à quelques détails près, ce sera le même cérémonial que celui mis au point pour François Joseph et l'impératrice Elisabeth. Ce sera à la fois une cérémonie religieuse et une démarche constitutionnelle, puisque le couronnement est aussi un acte parlementaire. Le 27 décembre, l'arrivée du couple royal à Budapest est saluée par trente-trois coups de canon et par les acclamations de 200 000 personnes qui se sont massées entre la gare et le palais. En fin d'après-midi, dans la salle du Trône, Charles reçoit une délégation du Parlement. Le primat de Hongrie, l'archevêque Jànos Csernoch, demande au monarque s'il accepte de se laisser couronner, et lui présente le "diplôme inaugural" : cette charte définit les devoirs du souverain vis-à-vis de la nation magyare.

Le lendemain a lieu l'ouverture du coffre dans lequel sont rangés les insignes royaux :

  • la couronne de st Etienne - elle fut offerte par le pape Sylvestre II, en l'an 1000, à celui qui fut le premier roi de Hongrie,
  • le globe terrestre, -----> symbole médiéval du globe [#]
  • le sceptre, ------> Dossier iconographique [#]
  • et le manteau du sacre.

Pour la reine est sortie une couronne légère qui fut utilisée par Anne de Hongrie. Selon la tradition, il appartient à Zita de coudre elle-même une pièce, à l'aide de fil d'or, sur le manteau du couronnement du roi, vêtement de parade qui daterait aussi de saint Etienne. La veille du couronnement, les ornements sont transportés dans l'église Mathias, où se tiendra la cérémonie. L'édifice, consacré à Notre-Dame, doit son nom à Mathias Corvin, roi de Hongrie qui y fit célébrer ses deux mariages.


L
e 30 décembre, Budapest pavoise : partout flottent des drapeaux aux couleurs magyares. Magnats en costume, officiers en uniforme, députés de la Chambre basse, représentants des comitats et des Etats : une assistance bigarrée a rempli la nef. Le nonce est là, de même que tous les diplomates accrédités auprès de la cour de Vienne, dont l'ambassadeur des Etats-Unis, puissance qui n'est pas en guerre avec l'Autriche-Hongrie. Journalistes et photographes ont aussi été invités.

Charles porte un uniforme rouge de général hongrois; Zita, une robe coupée d'après le costume national magyar et un manteau brodé d'hermine; Otto, un costume de sacre qui a été dessiné pour lui. La présence du petit archiduc n'était pas prévue par le cérémonial, mais son père l'a voulu, là encore, afin de symboliser la continuité dynastique. Salué par le primat, le couple royal entre dans l'édifice. Charles, agenouillé devant l'autel, prononce un premier serment en latin, dans lequel il s'engage à protéger l'Eglise. Puis, allongé, il entend la Litanie des Saints. Le cardinal procède ensuite à l'onction du roi, sur lequel le manteau de saint Etienne est posé. Commence ensuite la célébration de la messe.

Le rituel prévoit un rôle pour le seigneur palatin, qui jadis représentait le roi en Hongrie quand il était à Vienne. Mais François-Joseph n'a nommé personne à cette fonction. Le comte Tisza, en tant que chef de la majorité parlementaire, s'est fait attribuer ce rôle, bien qu'il soit calviniste et que la cérémonie soit catholique. A genoux, Charles ceint la couronne que le palatin a remise au primat, puis reçoit le sceptre et le globe terrestre. Après le couronnement du roi, c'est au tour de son épouse d'être sacrée.

 

22026394Globe terrestre, insigne royal de Hongrie
kep.tar.hu/mollach/50283774/22026394#2 

A la fin de la messe, la reine retourne au château avec le prince impérial. Pour le roi, le deuxième volet de la cérémonie a lieu en plein air, devant la colonne de la Trinité qui se dresse face à l'église Mathias. Revêtu des insignes royaux, le visage tourné vers l'est, Charles tient de la main gauche un crucifix et prête serment, s'engageant à protéger la Hongrie. Après être rentré dans l'église, le roi monte à cheval. Devant l'entrée du Palais royal a été érigé, selon la coutume, un monticule de terre provenant de tous les comitats de Hongrie. Charles lance son cheval au galop et, au sommet du tertre, brandit son épée vers les quatre coins cardinaux. D'une fenêtre du château, Zita et Otto regardent la cérémonie. Ce qui vaut une intervention non prévue par le cérémonial quand Otto, apercevant son père à cheval, ne peut retenir un cri : "Papa, papa !"

Au début de l'après-midi, un banquet est servi dans la salle d'apparat du château. Ce repas fait partie des rites du couronnement, mais il est symbolique : il ne réunit que six convives (le roi, la reine, le primat, un autre évêque, le nonce et le palatin), à qui sont servis dix-neuf plats qui, aussitôt présentés, repartent sans avoir été touchés. Sur ordre de Charles, ils sont portés à l'hôpital de Budapest, à destination des blessés de guerre. Le banquet terminé, les souverains regagnent leurs appartements. Le Parlement se réunit à nouveau, en séance solennelle, afin de prendre acte de la conformité du couronnement avec les formes exigées par la Constitution. Les insignes royaux sont rapportés dans l'église, où la population peut les admirer.

 

Couronnement à Budapest (wikimedia)

COURONNEMENT A BUDAPEST Charles et Zita 1916 - wikimedia

La journée aurait dû se terminer traditionnellement par un bal, mais Charles a refusé : on ne danse pas quand des soldats meurent au front.

Si l'on a décrit un peu longuement la cérémonie, c'est pour en faire sentir la portée morale pour Charles et Zita. A leurs yeux, ce rituel, riche de symboles religieux et patriotiques, revêt une signification profonde. Du point de vue religieux, les souverains, catholiques convaincus, sont pénétrés de la dimension spirituelle du couronnement.

Du point de vue politique, cet acte ne les engage, stricto sensu, qu'en Hongrie. Néanmoins, élevés dans la ferveur monarchique, ils estiment que l'onction reçue confère son sens ultime à la mission dont ils sont investis : roi et reine, ils sont responsables devant Dieu de leurs peuples et de leur couronne. Cette certitude les habite, et ne les quittera plus. Même quand ils auront été détrônés.

A cet égard, Charles est déjà traversé de pressentiments : Zita l'a raconté. La veille du couronnement, depuis la terrasse du château, ils regardaient Budapest illuminée. Faisant allusion aux paroles du Christ avant son entrée à Jérusalem, à l'occasion de la fête des Rameaux, le monarque dit à sa femme : 

"Aujourd'hui, ils m'acclament.  Mais bientôt ils crieront, et réclameront ma tête."

[fin de citation] ////////////////////////////////////////////////////////////////////////
Sur les sacres d'empereurs, voir aussi dans le blog :
[#] La Légende de l'empereur Charlemagne (par Sylvain GOUGUENHEIM)
[#] Le sacre des rois et des empereurs (par Sylvain GOUGUENHEIM)

 

L  I  E  N  S 

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