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\\\\\\\\ Le . monde . des . tarots . anciens
22 janvier 2013

Ordres Mendiants et Flagellants

Dans les jeux du XVe siècle, le personnage de la carte VIIII L'Ermite est clairement un vieillard (un marchand ou un sage au turban exotique, une allégorie du temps, avec sablier et/ou béquilles...). Dans les tarots français du XVIIe siècle, son look rappelle en général simplement celui d'un MOINE en manteau, semblant marcher à l'extérieur. On pourrait en faire alors un ressortissant des ordres Mendiants, ces moines très mobiles. D'ailleurs, l'ermite des tarots est parfois même précisément figuré en franciscain (habit marron, ceinture de corde, sandales). Quant à sa CAGOULE, abaissée mais paraissant bien longue, elle peut évoquer celle des dévots flagellants. Il se trouve que ces deux aspects sont commentés dans le texte d'historien du Moyen Age ci-dessous (texte qui, bien entendu, n'a jamais été écrit en pensant aux visuels des cartes!)

Carte VIIII L'HERMITE [#]

Jacques VERGER : Des valeurs et des autorités différentes in
Robert FOSSIER (dir.) : Le Moyen Age - le temps des crises, 1250-1520 Armand COLIN 1983
[extraits] ////////////////////////////////////////////////////////////////////////

pp. 137 sq.

[Pendant les XIVe-XVe siècles], les anciennes branches de l'ordre monastique et canonial - Cluny, Cîteaux, Prémontré, etc.- ne comptaient plus guère. Certes, leurs grandes abbayes étaient toujours debout [...] Mais il est évident que le monachisme n'exerçait plus sur les contemporains la fascination qu'il avait exercée au haut Moyen Age. Il n'était plus par excellence le lieu de la sainteté, il n'était plus capable d'animer de grands mouvements religieux comme Cluny ou Cîteaux avaient pu le faire pour le pélerinage ou la croisade. Seule la Chartreuse gardait un prestige intact, mais, précisément, il s'agissait de l'ordre le plus éloigné du monde, le plus hostile à toute forme d'action pastorale, et l'influence de ses auteurs spirituels ne touchait qu'une petite élite de dévots. [...]
------> Denis le Chartreux (1402-1471) [#]

Le problème essentiel est celui des ordres Mendiants.

Leurs fondateurs et les papes du XIIIe siècle les avaient conçus comme des agents directs de l'action pontificale, donc de la réforme. Par la pureté de leur mode de vie fondé sur la pauvreté volontaire et le haut niveau de leur formation religieuse et intellectuelle, les Mendiants devaient non seulement être à la pointe du combat anti-hérétique, mais prendre en charge une part majeure des responsabilités pastorales; prédicateurs et confesseurs, consolateurs des pécheurs et des mourants, ils offraient dans tous les temps forts de la vie chrétienne, lorsque la créature doit se rapprocher de son Créateur, leur médiation privilégiée.

Malgré les réticences compréhensibles des curés et des évêques, leur succès, surtout en milieu urbain, ne cessa de s'affirmer au XIIIe siècle.

 

NEROCCIO di Bartolomeo ca 1447 predication de Bernardin Sienne-Palazzo Publico-aparencesdotnetNEROCCIO DI BARTOLOMEO
Prédication de St Bernardin au Campo Santo de Sienne
Fresque du Palazzo Pubblico, ca 1447
www.aparences.net

Au XIVe siècle, les Ordres Mendiants ont connu diverses épreuves. Les épidémies ont ravagé certains couvents; la règle primitive s'est quelque peu abâtardie et, spécialement chez les franciscains, une rupture irrémédiable a séparé

- les "Spirituels", fidèles à l'esprit du fondateur, à la lettre de sa Règle, à la valeur supérieure de la pauvreté, mais bientôt condamnés et rejetés dans l'hérésie,

- et la majorité des "Conventuels" qui, au nom de l'obéissance à la hiérarchie ecclésiastique, acceptaient de sacrifier une part de leur spécificité. Au temps du Grand Schisme, des mouvements de réforme, de "stricte observance", sont apparus mais ils n'ont jamais gagné qu'une partie des ordres.

Ajoutons que l'hostilité plus ou moins ouverte des séculiers à l'égard des Mendiants ne se relâchait guère. Malgré tout cela, ces derniers ont continué à jouer leur rôle. Le succès extraordinaire des grands sermons de pénitence d'un Vincent Ferrier [(1350-1419)] ou d'un Bernardin de Sienne qui, au début du XVe siècle, drainaient des foules immenses, n'était qu'une manifestation extrême de la popularité dont jouissaient partout les prédicateurs Mendiants.
------> prédication de Bernardin de Sienne en 1423  [#]

La fréquence des "élections de sépulture" dans leurs églises est un signe que c'était auprès d'eux que beaucoup cherchaient réconfort à l'approche de la mort, de ce terrible passage qui a tant fasciné les chrétiens de la fin du Moyen Age. On a même pu dire que, dans certains cas, en ville, les couvents Mendiants vers qui affluaient les fidèles constituaient des sortes de contre-paroisses, face aux paroisses séculières traditionnelles.

 

Ces succès [...] ne dispensent pas de s'interroger sur la portée du message.

  • Que celui-ci ait été le plus souvent d'un strict conformisme social, appelant les riches à l'aumône et les pauvres à la patience, n'est pas vraiment étonnant. Mais la banalité et le caractère traditionnel de beaucoup de thèmes moraux et religieux, même si l'orchestration en est habile, surprend davantage. Non seulement donc les Mendiants n'ont pas été également présents partout, surtout dans les campagnes, mais leur enseignement ne répondait pas nécessairement à toutes les inquiétudes des fidèles. [...] Même chez les Mendiants, il faut incriminer le poids de la routine, [...] le recours abusif à l'arme facile de la réglementation et de la sanction.

  • Les abus extravagants que l'on note alors dans l'usage de l'excommunication sont une illustration caricaturale de ces tendances. Lorsque, au début du XVe siècle, on trouve, dans tel ou tel village dauphinois, sept voire neuf habitants sur dix excommuniés (l'un a "blasphémé", l'autre n'a pas payé la dîme, le troisième a négligé de se confesser à Pâques, etc.), même si ce sont là des exemples extrêmes et quelles qu'aient été, légères ou graves, les conséquences pratiques de ces excommunications, comment ne pas penser qu'il s'agit d'une situation anormale où des décalages graves se sont créés entre les exigences traditionnelles du droit et l'expérience vécue des chrétiens ?

C'est à ce niveau-là surtout qu'il faut se placer pour étudier les attitudes religieuses concrètes. [...]

  • Jusqu'alors, la réaction la plus courante de ceux que ne satisfaisait pas le cadre proposé par l'Eglise - la seule en tout cas que nous révèle la documentation - avait été le rejet, la révolte radicale et sectaire, l'hérésie. Presque toutes les hérésies du haut Moyen Age et jusqu'au XIIIe siècle ont eu l'ambition de constituer une Eglise de purs, de parfaits, de "pauvres du Christ", seuls vrais chrétiens vivant dans l'Esprit et la charité, face à l'Eglise de l'Antéchrist, corrompue par la richesse, la violence et le sexe; rupture totale, tension extrême, bouleversement des valeurs, espérances millénaristes, telle avait été l'atmosphère mentale de ces mouvements hérétiques. Or il semble bien que de tels mouvements se soient faits nettement plus rares aux XIVe et XVe siècles.

  • Il y en avait encore. On peut classer comme tels les "Apostoliques" qu'entre 1260 et 1307 deux prédicateurs populaires, Gérard Segarelli puis fra Dulcino, soulevèrent en Lombardie. Les groupes de franciscains spirituels languedociens et italiens, imprégnés du millénarisme de Joachim de Flore, qui [...] entrèrent, au nom de la pauvreté absolue, en révolte ouverte contre la papauté, relevaient aussi de ce type d'hérésie. [...] Ils annonçaient dans leurs prophéties un âge d'or qui serait celui d'une Eglise toute spirituelle dont les enseignements de saint François, presque autant que les Evangiles eux-mêmes, seraient la règle [...] Mais ces mouvements restaient très limités et, au même moment, les grandes hérésies de l'âge antérieur achevaient de péricliter, victimes de l'épuisement de leurs résonances spirituelles et de leur base sociale autant que de la répression. Le catharisme était moribond et l'inquisition traquait les derniers "Parfaits" dans les Pyrénées ariégeoises. Les communautés vaudoises, protégées par le caractère relativement discret et pacifique de leurs pratiques, survivaient dans certaines vallées alpines, mais comme enkystées dans une société elle-même en déclin.

  • Ailleurs, passé le milieu du XIVe siècle, l'Inquisition n'eut plus à poursuivre que des Spirituels et "Fraticelles" isolés, dont la rancoeur s'exhalait en prophéties apocalyptiques contre la papauté avignonnaise, et des individus accusés de magie ou de sorcellerie, qui seront désormais son gibier principal.

 

 

VECCHIETTA Deux Flagellants 1e moitié XVe s-tempera sur bois-Musee Conde ChantillyPietro di Lorenzo dit VECCHIETTA (Sienne ca1410-1480)
Deux Flagellants, partie de reliquaire, tempera sur bois
1ère moitié du XVe siècle Musée Condé, CHANTILLY www.culture.gouv.fr

 

Plus typiques du XIVe siècle, spectaculaires mais, en définitive, d'importance limitée, les Flagellants, qui apparurent en Allemagne rhénane et aux Pays-Bas en 1349 avec la Grande Peste et connurent quelques résurgences postérieures, se présentent encore comme un grand mouvement spontané de foule. 

Des prédicateurs en rupture de ban appelaient les flagellants à la pénitence, refusaient bruyamment le contrôle de l'Eglise et ses sacrements, se targuaient de réaliser des miracles et fondaient sur une prétendue "lettre tombée du ciel" la sainteté de leur action, qui proposait à des foules en proie à la panique et à l'exaltation de réinvestir directement les souffrances et les gestes mêmes de la Passion du Christ.

Sous des formes extrêmes voire extravagantes, ce christocentrisme sanglant était malgré tout assez bien accordé aux tendances nouvelles de la dévotion; aussi bien l'Eglise, tout en condamnant ces flambées mystiques et violentes, d'ailleurs circonscrites dans l'espace et le temps, accepta-t-elle d'en reprendre certains aspects dans les pratiques normales de confréries dûment  encadrées.
------> cantiques des Flagellants [#]

Tout cela ne signifie pas que l'hérésie, comme attitude collective et radicale de refus de l'enseignement et des institutions ecclésiastiques officielles, ait disparu. Mais dans ses manifestations les plus importantes, elle a pris des formes nouvelles, elle est devenue beaucoup plus politique et savante. [Wyclif (1324-1384) et Jean Hus (1369-1415)]

[fin de citation]////////////////////////////////////////////////////////////////////

 

L  I  E  N  S 

PERSONNAGES CITES :

St BERNARDIN DE SIENNE (1380-1444) fêté le 20 mai, prédicateur, dévot du Saint Nom de Jésus :
missel.free.fr/Sanctoral/05/20.php 
www.newadvent.org/cathen/02505b.htm (en anglais)
levangileauquotidien.org/main.php?language=FR&module=saintfeast&id=4205&fd=0
sermon : www.vatican.va/spirit/documents/spirit_20010518_bernardino_fr.htm
peinture : fr.wikipedia.org/wiki/Bernardin_de_Sienne
CATHARES : jean.duvernoy.free.fr/heresy/cathare.htm

dossier complet (en anglais) : www.newadvent.org/cathen/03435a.htm
FLAGELLANTS :  
www.littre.reverso.net/dictionnaire-francais/definition/flagellant/31748
Dossier complet en anglais : www.newadvent.org/cathen/06089c.htm

FRANCISCAINS SPIRITUELS : 
www.
franciscainstoulouse.fr/franclaire/etudes/spirituels.pdf
oliviana.revues.org/index337.html

St FRANCOIS D'ASSISE :
www.franciscain.org/pages/qui_est_saint-francois.html
www.newadvent.org/cathen/06221a.htm
FRATICELLES/FRATICELLI : www.newadvent.org/cathen/06244b.htm (en anglais)
JOACHIM DE FLORE : Gian Luca Potestà , « Joachim de Flore dans la recherche actuelle », Oliviana [En ligne], 2 | 2006, mis en ligne le 27 juin 2006, Consulté le 21 janvier 2013. URL : http://oliviana.revues.org/index39.html
HUS Jan (1369-1415) : www.newadvent.org/cathen/07584b.htm

St VINCENT FERRIER : 
saints-et-bienheureux.blogspot.fr/2011/04/vincent-ferrier.html
www.newadvent.org/cathen/15437a.htm (en anglais)
har22201.blogspot.fr/2012/04/saint-vincent-ferrier.html
VAUDOIS : jean.duvernoy.free.fr/heresy/valdo.htm
VECCHIETTA - Pietro di Lorenzo dit il VECCHIETTA (ca 1412-1480) : 
www.aparences.net/ecoles/la-peinture-siennoise/il-vecchietta/
WYCLIF - John WYCLIF ou WICLEFF (1324-1384) : www.newadvent.org/cathen/15722a.htm

FAITS & CONCEPTS CITES :
GRAND SCHISME d'Occident : www.newadvent.org/cathen/13539a.htm
HERESIE : www.cnrtl.fr/lexicographie/h%C3%A9r%C3%A9sie
Dossier complet en anglais : www.newadvent.org/cathen/07256b.htm

INSTITUTIONS CITEES DANS LE TEXTE :
Confréries (confraternities) de laïcs : www.newadvent.org/cathen/04223a.htm
Ordre des chanoines de Prémontré : www.newadvent.org/cathen/12387b.htm
Ordre des Chartreux : www.wapedia.mobi/fr/Chartreux
en italien : https://cartusialover.wordpress.com/
Ordre des Cisterciens : www.cister.net/FR/historique/presentation-historique.aspx
Ordre des Dominicains : www.dominicains.fr/
Ordre des Franciscains : www.franciscain.net/
Ordres Mendiants en général : www.cosmovisions.com/$OrdresMendiants.htm
cathoweb.org/catho-bliotheque/culture-catholique/histoire-de-l-eglise/mangeons-les-mendiants.html

ILLUSTRATIONS :
Notice du tableau des Flagellants (base Joconde) :
http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/joconde_fr?ACTION=RETROUVER&FIELD_98=APTN&VALUE_98=vente%20Reiset%201879&NUMBER=14&GRP=0&REQ=%28%28vente%20Reiset%201879%29%20%3aAPTN%20%29&USRNAME=nobody&USRPWD=4%24%2534P&SPEC=3&SYN=1&IMLY=&MAX1=1&MAX2=1&MAX3=100&DOM=All

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