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\\\\\\\\ Le . monde . des . tarots . anciens
19 août 2017

Humanistes (2) : générateurs de prestige

Et si le livre de II-La Papesse des tarots était, en réalité, un recueil de lettres d'un (ou d'une) humaniste ?

carte II LA PAPESSE [#] - Objets & Outils [#]
Humanistes et gouvernement du monde [#]

André CHASTEL & Robert KLEIN : L'Humanisme - L'Europe de la Renaissance SKIRA 1995
publié originellement en 1965 sous le titre "L'Age de l'Humanisme"
[extrait n°2 - pp. 22 sq. (intertitres dûs au blog)]///////////////////////////////////////////

[#] <------ Extrait précédent

 

Philosophes

 

Giusto_di_gand_e_pedro_berruguete,_vittorino_da_feltrePedro BERRUGUETE et Juste DE GAND
Vittorino de Feltre (1378 - Mantoue 1446)
Musée du Louvre (source : wikimedia)

 

L'amitié, l'art du dialogue et de la correspondance sont inséparables de l'idéal nouveau [de l'humanisme]. On exagère à peine en définissant l'humanisme par l'exigence du dialogue. Il considère avec prédilection les moyens de communication : la langue, les règles de l'exposition, les formes de la démonstration, la persuasion. Il s'interroge sur leur bon usage. Les humanistes qui étaient professionnellement des négociateurs, des directeurs de conscience (laïques), devenaient tout naturellement des maîtres de la philosophie "morale". Parmi les studia humanitatis, on mit au premier rang l'éthique et la politique; les autorités préférées devenaient Cicéron - orateur, épistolier, auteur de dialogues philosophiques -, et Platon, le maître de la méthode socratique. On reprochait à la science et à la pensée médiévales [...] le fait qu'elles s'arrêtaient à de pures constatations [NDB : idée discutable....]; on mettait l'accent sur la conviction intime, la religion sentie, sur la sagesse opposée à la science [...]. Les querelles étaient elles-mêmes un spectacle et conçues comme telles [...]. La réputation professionnelle ("honneur" ou "gloire") comptait avant tout, et la honte d'être défait dans une dispute et convaincu d'ignorance était si terrible qu'on ne reculait pas devant les coups bas; le plus fréquent était d'enlever à l'adversaire le droit de réponse, par une interdiction émanant d'une autorité politique ou religieuse.

 

Epistoliers

On sent encore chez beaucoup d'humanistes l'épistolier de profession; pour quelques-uns des plus grands, les lettres forment une partie considérable, parfois la meilleure, de l'oeuvre complet. [...] On répondait par lettres à des enquêtes sur des problèmes philosophiques moraux, et un peu plus tard artistiques. Les dédicaces avaient la forme d'épîtres; des polémiques sanglantes se présentaient comme des échanges de lettres. Le recueil épistolaire faisait en même temps fonction de journal intime et tenait lieu d'interview publicitaire ou d'autobiographie. L'humaniste moyen ne pouvait guère penser sans s'adresser à quelqu'un ou sans ruminer, dans le dialogue, sa réponse. [...] L'inflation épistolaire allait croissant depuis que Pétrarque [1304-1374] avait découvert les lettres de Cicéron à Brutus et Atticus, et réuni les siennes propres en plusieurs recueils. Il en résulta une catégorie de témoignages irremplaçables; le fameux opus epistolarum Erasmi est une coupe sagittale de la vie culturelle et religieuse de l'Europe; un Marsile Ficin a sans doute mis l'essentiel de sa pensée philosophique dans ses ouvrages de théorie, mais sa correspondance possède une inflexion humaine attachante et précise, et révèle ainsi ce que cette philosophie a pu signifier pour les contemporains.

On est aujourd'hui facilement choqué par cette prose guindée, les conventions absurdes, les mensonges transparents, la fausse modestie, l'absence fréquente de dignité. Il faut s'habituer à son irréalisme systématique. Dans la République des Lettres, il y a beaucoup de comédie; dès les premiers pas on dépose son identité et prend un nom latin ou grec, comme des personnages de théâtre. On traduit Schwarzherd en Melanchton [...]
------> même idée du travestissement prétentieux des noms chez Stefan Zweig [#]

L'Arioste a ri de cette manie, et aussi Desiderius Erasmus, dont la signature est pourtant un jeu de mots érudit; mais peu importe les moqueries : l'humanisme commence au cérémonial. Cela vaut surtout pour les sodalitates ou académies, lieux de culte de l'amitié humaniste [...] qui réunissent des gens aux intérêts culturels communs, théoriquement des égaux; ce sont des confréries. On reconnaissait, tacitement, un inspirateur ou un guide ; Pomponio Leto, Ficin, Dalberg, Celtes, Dorat pour les jeunes poètes de la Pléïade [...]

 

Développement doctrinal

Les studia humanitatis vont habituellement de pair avec une certaine conception assez précise de la culture, et plus généralement de l'homme. Au cours du XVe siècle, cette conception gagne, de proche en proche, d'autres disciplines et par là s'articule; il y a, en ce sens, contamination humaniste de la politique, du droit, de la philosophie, des sciences naturelles, de l'art, et même des manières et des moeurs. C'est là un fait capital : l'humanisme devait se définir par cette expansion même, cet élargissement progressif qui rend, vers le début du XVIe siècle, toutes les branches de la culture capables d'une couleur humaniste. Il en résultait [...] l'idée d'un "certain lien" [entre disciplines] qui serait l'esprit même. Celio Calcagnini a bien exprimé ce postulat (Opera Aliquot, Bâle, 1544) : " Car de même que dans le corps humain il n'y a rien d'inutile, qui ne soit fait en vue de sa fonction et qui ne réponde pas aux autres organes, de sorte qu'on ne puisse l'enlever sans danger, de même les disciplines, c'est-à-dire les membres des humanités, sont tellement liées entre elles, qu'elles paraissent, prises séparément, estropiées et mutilées." On n'aborde pas la physique sans la logique, ni la logique sans les mathématiques, ni aucune d'elles sans l'aide des sciences du discours. C'est pourquoi certains ont joliment appelé "encyclopédies" - le cercle de l'éducation - une encyclopédie dont le fondement est, on le remarquera, l'oratio ou art du discours.

Ce discours commençait volontiers par Rome, les chanceliers spécialistes de la rhétorique et épris de l'Antiquité, comme Bruni à Florence, avaient tout naturellement élaboré l'idée d'un Etat modelé sur l'ancienne Rome. Dans cette première phase, l'humanisme italien était civique et républicain; il pratiquait Tite-Live; le modèle, comme pour Pétrarque, était Scipion. Les historiens drapaient à l'antique les faits contemporains; quelques tyrannicides et conspirations ratées, entre le complot de Porcari à Rome en 1453 [histoire ici] et l'assassinat d'Alessandro de Medici par son parent Lorenzaccio en 1537, invoquent l'exemple de Brutus, dont Michel-Ange, dans un moment d'ardeur républicaine, sculptera le buste "héroïque". [oeuvre de 1540, image ici]
------> Rome antique vue par la Renaissance [#][#]
------> oeuvres de Michel-Ange [#]
[#][#]

Mais une autre tendance, favorable à César et Auguste, s'était fait jour; Rome redevenait de plus en plus la capitale "impériale"; tous les puissants lui empruntent ou cherchent à lui emprunter un style. Ce nouveau style associe d'ailleurs de plus en plus arma et litterae, le glaive et le livre; selon une devise héroïque qui inscrit sous cet emblème double les mots "ex utroque Caesar". Riche ou pauvre, tout souverain de la Renaissance occupera les artistes et les lettrés dans la mesure où il a besoin de prestige : les plus grands mécènes de la Renaissance furent les ambitieux et les guerriers, Maximilien, Jules II, Henry VIII, François Ier, Charles Quint.
------> recherche du prestige politique [#][#][#][#][#][#]
------> iconographie : François Ier
[#][#], Charles Quint [#][#][#][#]

Les humanistes n'ignoraient pas les réalités politiques; liés à des patriciens calculateurs et à ces princes que l'on qualifie volontiers de machiavéliques avant même la lettre, ils connaissaient bien les rouages du pouvoir; mais ils ne se sentirent pas toujours en état de les exposer. Le chef-d'oeuvre de politique humaniste est L'Utopie (1516) de Thomas More, précisément parce que c'est tout d'abord un livre de critique détaillée et générale des moeurs, de l'économie, de la guerre, de la diplomatie. More a "démonté" l'Etat comme personne avant lui, avec bien plus de pénétration que Machiavel, trop fasciné par les jeux de surface, les bouleversements, révolutions, conquêtes, fondations d'Etats. Machiavel a hérité des humanistes le culte de Rome et la ferveur nationaliste; More a appris à la même école la clairvoyance devant les passions et les intérêts, le respect devant les valeurs de l'esprit.

[fin de citation] //////////////////////////////////////////////////////////////////////
Même ouvrage, autres extraits : Humanistes (1) Enseignants et diplomates [#] -
Le Cardinal de Brandebourg en St Jérôme [#] - [CHAR DE TRIOMPHE] Allégorie Renaissance [#] - La chambre d'un humaniste vénitien [#]

 

 

 

L  I  E  N  S

 

PERSONNAGES DE L'ANTIQUITE CITES :
BRUTUS : http://agora.qc.ca/dossiers/Brutus
CICERON
(106 - 43 avant J.-C.) orateur romain :
http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Cic%C3%A9ron/113632
Oeuvres de Cicéron en ligne : remacle.org/bloodwolf/orateurs/

PLATON
(427-347 avant J.-C.) : www.philonet.fr/auteurs/Platon.html
SCIPION L'AFRICAIN : http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Scipion_lAfricain/143658
TITE-LIVE (Padoue, 59 avant J.-C. - 17 après J.-C.) : http://bcs.fltr.ucl.ac.be/ENCYC-1/Livius.htm

HUMANISTES DE LA RENAISSANCE CITES :
en général :  www.bibliolettres.com/w/pages/page.php?id_page=148
Ludovico ARIOSTO dit L'ARIOSTE (1474 - Ferrare 1533) poète :
http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Ludovico_Ariosto_dit_l_Arioste/106133
Leonardo BRUNI (1370-1444) l'Arétin :

fr.wikipedia.org/wiki/Leonardo_Bruni
www.newadvent.org/cathen/03011b.htm

www.library.illinois.edu/rbx/exhibitions/Florentine%20Printing/IV.htm (en Anglais)

Celio CALCAGNANI (Ferrare 1479-1541) : https://it.wikipedia.org/wiki/Celio_Calcagnini
Conrad CELTES (1459-1508):
https://fr.wikipedia.org/wiki/Conrad_Celtes
Johann von DALBERG (Oppenheim 1455 - Heidelberg 1503), évêque de Worms :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Johann_von_Dalberg
Jean DINEMANDI, dit Jean DORAT ou DAURAT (1508-1588), poète et humaniste :
http://www.universalis.fr/encyclopedie/dorat-daurat/
Marsile FICIN (1433-1499
), philosophe et humaniste :
http://www.ficino.it/fr/marsile-ficin
http://www.newadvent.org/cathen/06067b.htm

www.larousse.fr/encyclopedie/litterature/Ficin/173304
édition d'un choix de lettres : http://www.actu-philosophia.com/spip.php?article240
MACHIAVEL (1469-1527) :
http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Nicolas_Machiavel/130916
www.newadvent.org/cathen/09501a.htm
agora.qc.ca/dossiers/Nicolas_Machiavel

Saint Thomas MORE (1478-Londres 1535) : http://expositions.bnf.fr/utopie/cabinets/rep/bio/2.htm
http://www.newadvent.org/cathen/14689c.htm
PETRARQUE (1304-1374) :  (en anglais) fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9trarque
www.larousse.fr/encyclopedie/litterature/P%C3%A9trarque/176013

La PLEIADE : http://www.larousse.fr/encyclopedie/litterature/Pl%C3%A9iade/176096
POMPONIO LETO (1428 - Rome 1498) : www.treccani.it/enciclopedia/pomponio-leto/

AUTRES PERSONNAGES CITES :
CHARLES-QUINT empereur du Saint-Empire :
www.herodote.net/Charles_Quint_1500_1558_-synthese-9.php
FRANCOIS Ier (1494-1547), roi de France en 1515 :
www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Fran%C3%A7ois_Ier/120185

Henry VIII (1491-1547) roi d'Angleterre : www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Henri_VIII/123617
MAXIMILIEN de Habsbourg (1459-1519), empereur du Saint-Empire romain germanique
https://www.herodote.net/Bio/Maximilien_de_Habsbourg-biographie-TWF4aW1pbGllbiBkZSBIYWJzYm91cmc=.php
MICHEL-ANGE (1475-1564) : www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Michelangelo_Buonarroti_dit_en_fran%C3%A7ais_Michel-Ange/133084
chapelle Sixtine : www.settemuse.it/pittori_scultori_italiani/michelangelo_buonarroti.htm
en anglais : http://www.newadvent.org/cathen/03059b.htm

 

FAITS & CONCEPTS :
éthique : http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=3826990275;
politique : http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?60;s=3826990275;r=2;nat=;sol=6;
Lorenzaccio, une histoire florentine du XVIe siècle transformée en drame romantique par Alfred de Musset au XIXe siècle : https://www.cairn.info/revue-libres-cahiers-pour-la-psychanalyse-2006-1-page-35.htm

Rome antique : http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/Rome_antique/184811
complot de Porcari (Rome, 1453) : https://books.google.fr/books?id=TgI3AAAAMAAJ&pg=PA20#v=onepage&q&f=false

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