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\\\\\\\\ Le . monde . des . tarots . anciens
28 septembre 2010

René Rémond : spécificités historiques du Pape

V LE PAPE : Sommaire [#]
IV L'EMPEREVR : Sommaire  [#]

René REMOND, de l'Académie Française : "Religion et société en Europe"
La sécularisation aux XIXe et XXe siècles 1789-2000, SEUIL 1998, éd. revue coll. Points Histoire 2001
[extrait] \\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\

pp. 40-42

Il est dans l'éventail des confessions au moins une institution qui établit une différence capitale pour les relations avec les sociétés entre l'Eglise catholique et les autres expressions du christianisme : l'existence d'un Magistère dont l'autorité suprême est reconnue par les fidèles de tous les pays. On trouve certes dans les autres Eglises des institutions qui jouissent d'une considération exceptionnelle, qui détiennent une grande autorité morale et un certain pouvoir d'influence. Le patriarche de Constantinople est connu par toute l'orthodoxie et détient une primauté d'honneur : son nom est mentionné à la prière dans toutes les églises en communion avec le patriarcat. L'archevêque de Canterbury, qui est le primat de l'Eglise d'Angleterre, jouit du respect de toutes les Eglises qui de par le monde se rattachent à elle, mais ni l'un ni l'autre ne disposent d'un pouvoir effectif sur le fonctionnement des Eglises soeurs ni sur la désignation de leurs responsables.On l'a vu récemment à l'occasion des controverses sur l'ordination des femmes où les diverses églises épiscopaliennes ont pris des positions divergentes sans que personne puisse arbitrer entre elles pour imposer sa décicion. L'Alliance luthérienne n'est qu'une instance de rencontre et de concertation sans pouvoir.

Il en va différemment pour l'Eglise de Rome : le pape n'est pas seulement signe de la communion, un personnage respecté. On se gardera certes de projeter sur l'Europe d'Ancien Régime l'image que le renforcement de la centralisation ecclésiale, le resserrement des liens entre le Saint-Siège et les Eglises, la proclamation de l'infaillibilité pontificale promue au rang de dogme et le prestige qui a rejailli sur l'institution au XXe siècle d'une succession de personnalités exceptionnelles ont contribué à forger. A la veille de la Révolution la papauté n'exerçait sur la vie ordinaire des Eglises qu'on pourrait dire nationales qu'une tutelle lointaine et des plus lâches. L'Eglise catholique en Europe était plus une fédération d'Eglises qu'une Eglise centralisée : chacune avait ses institutions propres, ses règles de fonctionnement, ses coutumes.

Le Magistère n'enseignait que rarement et la Curie intervenait d'autant moins dans les choix pour l'épiscopat qu'elle avait généralement abandonné les nominations aux souverains qui disposaient de l'attribution des bénéfices et détenaient de ce fait sur les Eglises un pouvoir sans contrepartie. Les gouvernements s'immisçaient dans leur vie pour la régenter. Ils s'en arrogeaient le droit avec bonne conscience, puisque eux-mêmes faisaient partie par le sacre de l'établissement ecclésial. Au siècle des Lumières, ils intervenaient dans l'intention de les conformer à l'esprit du temps : ainsi un Joseph II réforma-t-il hardiment la liturgie; en France la Commission des Réguliers opéra toutes sortes de regroupements de couvents.

Néanmoins le trait original que constitue la présence d'une autorité suprême a sur les relations entre religion et société une conséquence capitale : si pour toutes les autres confessions chrétiennes, orthodoxes comme réformées, le dialogue s'établit directement entre le pouvoir politique et les différentes Eglises nationales, avec le catholicisme les relations sont toujours plus compliquées par l'intervention d'un troisième partenaire : le Saint-Siège qui négocie avec les gouvernements. Le rapport est ainsi triangulaire. Quand il y a conflit, le Saint-Siège ne donne pas nécessairement tort aux gouvernements et n'épouse pas toujours le point de vue des épiscopats locaux : il est plus enclin à rechercher des solutions amiables; plus d'une fois il décevra l'attente des fidèles.Conséquence de l'existence du Saint-Siège : au lieu d'être décrété unilatéralement par l'Etat, le statut de l'Eglise catholique est l'objet de négociations de nature diplomatique entre les Etats et le Saint-Siège et les dispositions adoptées sont consignées dans des textes qui ont tous les caractères d'un traité de puissance à puissance. En cas de désaccord les différends revêtent une dimension internationale.

*  *  *

La catholicité présente un autre trait qui accentue encore la différence avec les autres confessions chrétiennes : l'existence des Etats de l'Eglise. L'expression dit bien la singularité de la situation : le pape n'est pas seulement le chef spirituel d'une Eglise répandue sur tout le continent; il est aussi le souverain d'un territoire étendu qui coupe en deux la péninsule italienne d'une mer à l'autre et des rives du Pô au royaume de Naples, et réunit l'Emilie, la Romagne, les Marches, l'Ombrie, le Latium. Sur cet Etat le pape exerce un pouvoir absolu. C'est le seul territoire en Europe où persiste [en 1789] la théocratie. Le pape conjugue les deux souverainetés, termporelle et spirituelle, religieuse et séculière. Cette confusion était justifiée par la nécessité de garantir l'indépendance du pape et se réclamait d'arguments historiques de valeur discutable. Ce mélange du spirituel et du temporel paraissait moins étrange qu'à nous aux contemporains dans une Europe où, même après les sécularisations de la Réforme, subsistaient nombre de princes-évêques exerçant sur leurs sujets une autorité qui n'avait rien à voir avec l'autorité proprement spirituelle, pas seulement à Salzbourg, perpétuant une situation médiévale. [...]

pp. 133-135

Jusqu'à la Révolution Française, la double souveraineté du pape, spirituelle et temporelle, ne faisait pas question : situation relativement banale dans une Europe où les charges ecclésiastiques étaient souvent assorties de possessions territoriales qui se justifiaient à l'origine parce qu'elles étaient censées assurer à leurs titulaires sécurité matérielle et indépendance juridique. Ainsi dans le Saint Empire romain germanique, qui restait dans l'Europe des Lumières le témoin le plus exact de l'esprit médiéval, plusieurs évêques étaient des princes possessionnés qui exerçaient sur leurs sujets et leurs ouailles une double autorité. Que le pape, chef suprême de l'Eglise, régnât aussi en maître absolu sur un vaste territoire [...], ne faisait somme toute que couronner un édifice juridique qui associait par toute l'Europe le culte, la possession de la terre et le pouvoir politique.

Sur ce point comme sur beaucoup d'autres, c'est la Révolution Française qui a ébranlé l'ordre traditionnel et changé les mentalités. [...] Il y avait eu, à vrai dire, un précédent qu'on omet souvent d'en rapprocher, bien que son rôle n'ait pas été négligeable dans l'altération des rapports entre la papauté et la Révolution : le sort d'Avignon et du Comtat venaissin qui étaient possession du pape depuis des siècles. [premier referendum populaire, à propos du rattachement ou non à la France]

[fin de l'extrait] //////////////////////////////////////////////////////////////////

L  I  E  N  S

Commission des Réguliers : http://fr.wikipedia.org/wiki/Commission_des_R%C3%A9guliers
Princes-évêques : http://fr.wikipedia.org/wiki/Prince-%C3%A9v%C3%AAque

Etats de l'Eglise (ou Etats Pontificaux) :
http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tats_pontificaux
http://www.cosmovisions.com/ChronoEtatsEglise.htm

cartes historiques d'Europe : http://www.euratlas.net/history/europe/fr_index.html

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