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\\\\\\\\ Le . monde . des . tarots . anciens
12 août 2012

régence féminine (2) : l'impératrice Isabelle

cartes IV L'EMPEREVR [#] - III L'IMPERATRICE [#]

Thierry WANEGFFELEN : Le Pouvoir contesté - Souveraines d'Europe à la Renaissance
publié sous la direction de Sophie Bajard, Ed. PAYOT & RIVAGES 2008
[extraits pp. 151 sq.] /////////////////////////////////////////////////////////////////

[#] <------ extrait précédent (gestion de l'absence du souverain)

Charles Quint, vu l'étendue de ses divers Etats, et leur souci à chacun de posséder son administration propre, ne peut que gouverner par représentation, tout en veillant à se déplacer beaucoup pour se donner à voir autant que possible périodiquement à ses différents sujets. Le gouvernement des Pays-Bas est ainsi confié à sa tante Marguerite d'Autriche ----> [#] puis, à la mort de celle-ci en 1530, à sa soeur, Marie de Hongrie. Et à Vienne, l'exercice du pouvoir appartient au frère de l'Empereur, Ferdinand, par ailleurs depuis 1526 roi de Hongrie et de Bohême. Charles Quint échange avec ces parents proches une correspondance d'Etat suivie, il entend être au fait des principales affaires et veille à ce que, en cas de divergences de vue, sa décision prime; mais les régents sont tout de même conduits à prendre bien des initiatives, et on peut considérer qu'ils gouvernent effectivement. De manière significative, il n'en va pas de même en Espagne.


Car Charles Quint, prince flamand, tard venu en Espagne, se méfie de ses Etats méridionaux. Les Aragonais et les Catalans revendiquent leur autonomie et ils sont très attachés à un exercice du pouvoir en quelque sorte partagé entre le roi et les Cortès. [...] Une lettre de juillet 1532 révèle que Charles Quint en a pleine conscience. Il se trouve alors dans un autre de ses Etats, hors de la péninsule Ibérique, et reconnaît son incapacité à intervenir dans les affaires d'Aragon, "parce que, écrit-il, personne de ces pays ne réside avec moi."   Quant à la couronne de Castille, où le roi dispose en théorie de davantage de pouvoir, elle lui est peut-être encore plus suspecte. Les Castillans l'avaient en effet très mal accueilli en 1519, l'incompréhension et le malentendu avaient été longtemps de mise entre el rey et ses sujets; et en 1520-1521, profitant de l'absence de Charles Quint, la révolte des Comunidades avait prétendu redonner tout le pouvoir à la reine Jeanne, au détriment de son fils qui, contre le droit dynastique du royaume, s'était fait proclamer roi de Castille dès la mort, en 1516, de son grand-père Ferdinand d'Aragon, jusque-là régent du pays au nom de sa fille réputée folle.

 

Isabelle_du_Portugal_par_Anton_Buoys___altessesdoteuIsabelle du Portugal, par Anton BOYS


Mater la rébellion n'avait pas suffi. A présent il fallait surtout restaurer l'autorité royale et trouver un système de gouvernement qui s'accommodât des absences de l'empereur. Isabelle de Portugal, épousée en 1526 et mère dès l'année suivante du futur Philippe II, possède de ce fait suffisamment d'autorité pour se voir confier la régence. En 1528, on a soin de réformer sa maison, sur le modèle de celle d'Isabelle la Catholique : les derniers membres portugais de l'entourage de l'impératrice en sont écartés, et aux Cortès qui se tiennent alors à Madrid, on peut montrer une reine absolument castillane.

Le voyage de Charles Quint à Valence, au printemps 1528, permet de tester la capacité d'Isabelle à assumer la régence en l'absence de son époux. Officiellement, c'est l'impératrice qui gouverne. Les décrets et actes officiels sont attribués à la reyna, comme ils le sont à el rey lorsque Charles Quint est en Castille. Mais les instructions laissées à Isabelle de Portugal sont en fait très claires : la régente doit sur tous les points appliquer les avis des conseils. Elle est tout particulièrement invitée à faire siennes les recommandations du président du conseil royal de Castille, en poste depuis 1524, l'archevêque de Santiago. Juan Tavera a toute la confiance de l'empereur et il poursuit de ce fait une brillante carrière : promu cardinal en 1532, il a été nommé archevêque de Tolède deux ans plus tard. Même le pouvoir de la régente d'accorder des grâces et des faveurs reste extrêmement limité, comme l'a montré l'historien Peter Marzahl : en tout Isabelle de Portugal doit se référer non seulement aux conseillers demeurés en Castille, mais à l'empereur absent et au proche collaborateur que celui-ci a emmené avec lui, Francisco de Los Cobos.

Le système est reconduit en 1529 lorsque Charles Quint s'absente d'Espagne pour une durée qu'on espère limitée mais qui finalement se prolonge jusqu'en avril 1533. Or, les demandes de grâces pour des particuliers, assorties de recommandations de l'impératrice, lui sont alors systématiquement adressées. Même des gratifications les plus infimes, comme du grain au fils d'un serviteur, nécessitent l'approbation expresse de Charles Quint, parce qu'on considère qu'elles dépassent la compétence de la régente.


Quant aux affaires d'Etat, Charles Quint veille à informer tout aussi bien Juan Tavera que son épouse de ses intentions, aussi régulièrement que le lui permet l'éloignement. Car, vraisemblablement afin d'être certain d'être obéi, il n'hésite pas parfois à impliquer davantage Isabelle dans l'exercice du pouvoir. Ainsi, en août 1530, une lettre adressée à celle-ci est précédée d'une note de Francisco de Los Cobos : "Votre Majesté doit voir [cette lettre] seule et ensuite [la] montrer au conseil d'Etat, l'empereur demandant à Votre Majesté de requérir que [les conseillers] la gardent secrète."  Et Charles Quint fait aussi confiance à son épouse pour être informé de la situation de la péninsule. En avril 1530, il écrit de Mantoue au comte d'Aldaucete, vice-roi de Navarre, qu'il ne peut, d'où il est, prendre aucune décision, tant qu'il n'aura pas écrit à l'impératrice pour lui demander son avis sur ce qui est nécessaire. Attentive à bien faire, et en conformité avec les volontés de son mari, elle s'est plainte en juillet 1529 à Francisco de Los Cobos d'avoir reçu si peu d'instructions de la part de l'empereur : elle ne sait comme il entend qu'on mette en défense le royaume, elle voudrait qu'on assigne des fonds particuliers au paiement des gardes, elle ignore comment elle doit traiter les affaires relatives à la Couronne d'Aragon. Si l'empereur a donné des ordres sur ces points, elle-même n'en a pas été informée.

On perçoit ici une réaction contre la double correspondance entretenue par Charles Quint et son conseiller très proche, Francisco de Los Cobos, avec l'impératrice mais aussi avec Juan Tavera. Tout en ayant stipulé la nécessité d'une entente totale entre eux deux, l'empereur s'ingénie à jouer de l'un contre l'autre; [...] il paraît plutôt tenter d'instituer une sorte d'émulation dans l'efficacité et l'application à mettre en oeuvre sa volonté en toutes choses, grandes et petites. En Castille, ce royaume qui lui demeure encore tellement étranger, il faut que, plus encore qu'à Malines puis Bruxelles et Vienne, il soit absolument obéi lors de ses longues absences, appelées à se répéter souvent à l'avenir. Cette émulation se découvre également dans les lettres à Juan Tavera qui, tout au long de la régence, est, d'ailleurs, resté en correspondance suivie avec l'empereur, directement ou par le truchement de Los Cobos. Tavera, en effet, quelques mois auparavant, en décembre 1529, exprimait ses doutes sur les capacités d'Isabelle, pourtant régente depuis neuf mois : "Elle garde bon ordre en toute chose mais Sa Majesté [...] n'a aucune expérience ni connaissance de ces pays."  Le président du Conseil royal de castille se présentait ainsi en charge de la réalité du gouvernement du royaume. [...] Lorsque, en juin 1530, le conseil de guerre se révèle incapable de remplir son office, c'est Tavera qui s'attribue, provisoirement, ses fonctions et ses devoirs. Et Charles Quint apprécie sa discrétion dans des matières délicates mettant en cause des grands du royaume, en 1531 [le duc de Béjar] et 1532 [les ducs de Medina Sidonia]. Sur bien des points, donc, au-delà de sa fonction de conseiller de la régente, Juan Tavera assure la conduite de son gouvernement.

Pourtant, l'impératrice a parfaitement rempli son office, et Charles Quint n'a que du bien à penser de sa régence lorsqu'il la rejoint enfin, en avril 1533, à Barcelone, où elle est venue l'attendre après presque quatre ans de séparation. La Castille est demeurée si tranquille que des Cortès ont même pu être tenues à Ségovie en septembre 1532 et qu'ils ont voté un impôt plus lourd que ce qu'espérait obtenir le conseil d'Etat : la paix intérieure, de l'argent (trois gros emprunts gagés sur les revenus de l'Etat ont aussi été négociés, et le clergé a également accepté de verser sa contribution à la monarchie) pour la politique impériale à l'extérieur, Charles Quint pouvait-il demander davantage ?
-------> Carmel de Ségovie [#]

 

Alonso_de_Mena_Grenade_autel_de_la_chapelle_royaleAlonso de MENA :
Charles Quint et Isabelle de Portugal
devant d'autel, chapelle royale de GRENADE
altesses.eu

Ses séjours en Espagne ont par la suite toujours été provisoires : Isabelle de Portugal a ainsi assumé à nouveau la régence de 1535 à 1537; après la mort de l'impératrice en 1539, Charles Quint a recours autant que possible à son héritier, le prince Philippe, régent de 1539 à 1542, puis de 1543 à 1548, enfin en 1554; mais lorsque le père et le fils sont l'un et l'autre absents de la péninsule ibérique, de 1551 à 1554, l'empereur demande à sa fille Marie d'assurer la régence.

L'empereur a toujours été très attentif aux affaires castillanes, et il a au fond laissé peu de latitude aux régentes, guère plus au régent. Le système castillan ne leur confère qu'une bien étroite marge de manoeuvre. Du fait de la complexité de l'action des différents conseils, les questions de gestion quotidienne leur échappent, mais elles échappent tout autant au monarque lui-même lorsqu'il est présent. Et les grandes décisions n'en demeurent pas moins le fait du souverain, avec lequel les régentes et le régent ont une correspondance suivie et abondante.

Par comparaison avec ses filles et son fils, l'impératrice Isabelle paraît avoir joui d'encore moins de liberté dans l'exercice de la régence. Jamais pourtant elle ne semble s'en être plainte, estimant qu'elle remplissait suffisamment son rôle en rappelant les Castillans au respect et à l'obéissance dûs à leur souverain, l'homme dont elle était la meilleure représentante, tout à la fois son épouse et la mère de son héritier.

-----> Autre cas : Marguerite d'Autriche (1480-1530) [#]

[fin de citation] //////////////////////////////////////////////////////////////////////
Même ouvrage, autres extraits :
[#] Régence féminine (1) : absence du souverain
[#] Régence féminine (3) : Marguerite d'Autriche
[#] Sceaux de souveraines
[#] [ARMURE] Plastron de souveraine
[#] [EPEE] Isabelle de Castille et l'épée d'Etat (chapitre cartes d'Epées) 

 

L  I  E  N  S 

PERSONNAGES CITES :

 

FAITS ET CONCEPTS :
Renaissance : www.larousse.fr/encyclopedie/divers/Renaissance/184289
Saint Empire : www.larousse.fr/encyclopedie/autre-region/Saint_Empire_romain_germanique/142245

LIEUX CITES :
BARCELONE (Catalogne, Espagne) : www.larousse.fr/encyclopedie/ville/Barcelone/107540
MADRID (Castille, Espagne) : www.larousse.fr/encyclopedie/ville/Madrid/131030
MALINES (Flandres) : fr.wikipedia.org/wiki/Malines
MANTOUE (Italie) : whc.unesco.org/fr/list/1287/
SEGOVIE - Castille-Leon (Espagne) : www.larousse.fr/encyclopedie/ville/S%C3%A9govie/143770
whc.unesco.org/fr/list/311
TOLEDE, Castille-La Mancha (Espagne) : www.larousse.fr/encyclopedie/ville/Tol%C3%A8de/146997
whc.unesco.org/fr/list/379/
VALENCE (Espagne) : www.larousse.fr/encyclopedie/ville/Valence/148071
VIENNE (Autriche) : www.larousse.fr/encyclopedie/ville/Vienne/148851
Moyen Age (en allemand) : www.viennatouristguide.at/Altstadt/Mittelalter/00_Index/z_indexma.htm
Monuments (avec photos) :
www.linternaute.com/voyage/autriche/vienne/monument/

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