La lune et l'incertain des ténèbres (XVIe siècle)
Lyon, XVIe siècle : un poète amoureux décrit ses tourments. Maurice Scève utilise une langue qui peut nous sembler encore bien archaïque ... Ci-dessous figurent trois poèmes utilisant largement la métaphore de la lune. De quoi mieux percevoir comment la Renaissance française met cet astre en scène. Orthographe garantie d'époque !
carte XVIII LA LVNE [#] - VI L'AMOUREUX [#]
Maurice SCEVE (ca 1504- ca 1564) : Poésies
précédé de : Jean TORTEL L'amour unique de Maurice Scève, H-L MERMOD, Lausanne 1961
[extraits p. 76, 77, 120, 127] ///////////////////////////////////////////////////////////
J'attens ma paix du repos de la nuict,
Nuict refrigere [1] a toute aspre tristesse :
Mais s'absconsant [2] le Soleil, qui me nuyt,
Noye avec soy ce peu de ma liesse.
Car lors jectant ses cornes la Déesse,
Qui du bas Ciel esclere la nuict brune,
Renaist soubdain en moy celle aultre Lune,
Luisante au centre, ou l'Ame a son sejour,
Qui, m'excitant a ma peine commune,
Me fait la nuict estre un penible jour.
Lors que le Soir Venus au Ciel r'appelle,
Portant repos au labeur des Mortelz,
Je voy lever la Lune en son plain belle,
Ressucitant mes soucys immortelz,
Soucys qui point ne sont a la mort telz
Que ceulx, que tient ma pensée profonde.
O fusses tu, Vesper, en ce bas Monde,
Quand celle vient mon Enfer allumer.
Lors tu verroys, tout autour a la ronde
De mes souspirs le Montgibel [1] fumer.
[...]
La Lune au plein par sa clarté puissante
Rompt l'espaisseur de l'obscurité trouble,
Qui de la nuict, & l'horreur herissante,
Et la peur pasle ensemble nous redouble :
Les desvoyez alors met hors de trouble,
Ou l'incertain des tenebres les guide.
De celle ainsi, qui sur mon coeur preside,
De celle ainsi, qui sur mon coeur preside,
Le doulx regard a mon mal souverain
De mes douleurs resoult la nue humide,
Me conduisant en son joyeux serain.
[...]
Plus croit la Lune, & ses cornes renforce,
Plus allegeante est le febricitant :
Plus s'amoindrit diminuant sa force,
Plus l'affoiblit, son mal luy suscitant.
Mais toy, tant plus tu me vas excitant
Ma fiebvre chaulde avant l'heure venue,
Quand ta presence a moy se diminue,
Me redoublant l'acces es mille formes.
Et quand je voy ta face a demy nue,
De patient en mort tu me transformes.
[1] refrigere : rafraîchissement
[2] se cacher
[3] le Montgibel : l'Etna
[fin de citation] /////////////////////////////////////////////////////////////////////
Même ouvrage, autres extraits : de ta faulx dessaisie [#]
Autres poètes cités dans le blog : Ballade de la Fortune [#] - Jean Antoine de Baïf [#] - Du Bellay, Chassignet [#] - Villon [#] - Eustache Deschamps [#] - "Ce vieil enfant, aveugle archer, et nu" [#] - Victor Hugo [#]
L I E N S
L'AUTEUR DES POEMES : http://www.bacfrancais.com/bac_francais/biographie-maurice-sceve.php
FAITS & CONCEPTS :
La Renaissance lyonnaise :
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