Chevalerie (R. Pernoud)

15 mai 2011

Cartes de Cavaliers [#] - d'Epées [#]
voir aussi : Chevalerie et Trêve de Dieu [#]

Régine PERNOUD : La Femme au temps des cathédrales STOCK 1980
[extrait pp. 125-128] ////////////////////////////////////////////////////////////////

Roman de chevalerie [...] : impossible d'oublier, en évoquant Tristan, Perveval ou Lancelot, que la chevalerie est une institution, un ordre avec des règles exigeantes.

Elle développe toute une éthique qui vise à une certaine maîtrise de l'homme sur lui-même. Ce n'est pas la non-violence; il ne s'agit nullement pour l'homme fort de mépriser la force; on lui demande au contraire de la développer : le chevalier est d'abord un sportif; on ne manquerait même pas d'exemples qui révèlent en lui le goût du record, la soif de l'exploit; l'histoire des tournois, plus encore celle des combats, enTerre Sainte par exemple, montre plus d'une fois des témérités individuelles ou collectives qui la plupart du temps ont mal tourné, comme la charge de Robert d'Artois, le frère de Saint Louis, à la Mansourah, qui commence par une éclatante victoire et s'achève sur un massacre dans lequel eût péri toute l'armée chrétienne si l'héroïsme du roi de France n'avait redressé la situation. Mais à cet homme fort, il est demandé de mettre sa force au service du faible. Et cet impératif est à peu près unique dans l'histoire des civilisations.

La chevalerie exige du chevalier qu'il se dépasse lui-même, que son épée soit instrument non de pouvoir, mais de justice. Cela dénotait une certaine confiance en l'homme, qui en plus d'un cas fut déçue (tous les chevaliers n'ont pas été dignes, tant s'en faut, de l'ordre de chevalerie), mais qui n'en donne pas moins sa note propre à la société féodale.
------> cf. le système de la Chevalerie décrit par Ivan Gobry [#]

Or, il est important pour notre propos de constater que c'est cette éthique que développe le roman de chevalerie, sans le séparer de l'éthique courtoise. En ce sens, le roman fameux, immortel, et renouvelé de nos jours grâce à Eric Rohmer, Perceval le Gallois, est à lui seul une sorte de résumé de l'éducation courtoise. Quand Perceval quitte le château où sa mère a voulu le préserver de tout contact avec le monde extérieur, c'est pour répondre à cet attrait irrésistible qu'a provoqué en lui la vue de quelques chevaliers. Mais il ignore tout du comportement chevaleresque et se conduit comme un lourdaud, brutal, étourdi, dépourvu de manières; c'est peu à peu qu'il se formera simultanément à la chevalerie et à la courtoisie. Son éducation, il la doit à la fois au seigneur rencontré, Gornemant, et à la dame qui affine en lui ce qui n'était que pulsion instinctive; enfin, son initiation ne sera complète qu'avec l'ermite qui le met sur la voie d'une découverte plus haute encore, celle d'une spiritualité mystique dévoilant le sens de la procession du Graal dont il a été le spectateur muet, cloué de stupéfaction.
------> citations de l'ermite de "Perceval le Gallois" [#][#]

Les romans de chevalerie développent presque tous une initiation, ou en tout cas un dépassement du même genre, amenant le héros, sous l'influence de la femme expressément présente, active, détenant même le ressort de l'intrigue, à un effort sur lui-même, à une victoire dont l'amour est à la fois le point de départ et le prix. [...] Dans Yvain ou le Chevalier au lion, ce sera l'épreuve de fidélité; pour avoir manqué de revenir au terme fixé par la dame, le chevalier devra encourir des épreuves surhumaines jusqu'au délire, à la folie. [...] Ainsi, au coeur même de l'exploit, du courage que déploie le chevalier, se trouve magnifié le pouvoir de la dame. [...]
------> idéal courtois et romans de chevalerie [#] - "Roman de Troie" [#]

Les ouvrages de Reto Bezzola, de Rita Lejeune, de René Louis, de Myrrha Lot-Borodine ont admirablement éclairci ce qui est la sève même de toute poésie lyrique ou romanesque, de langue d'oc et de langue d'oïl, à l'époque féodale. L'amour y transfigure ce désir qui est "l'immuable fond de la nature humaine"; ce primat de l'amour suscite le "service d'amour", qui est "quête", exaltation de la femme, tandis que dans l'ordre de l'agir il engendre la chevalerie, à la fois don et dépassement.

[fin de citation] ///////////////////////////////////////////////////////////////////
[#] Art gothique : mouvement et symboles (Symbolique - Histoire de l'Art)
[#] [TABLE][GANTS] biens d'un ménage au Moyen Age (Bateleur)
[#] La condition féminine sous l'Antiquité (Papesse)
[#] Dhuoda : Le Manuel pour mon fils (IXe s.) (Papesse, Impératrice)
[#] [ABBESSE] Les premières abbesses (Papesse)
[#] [LIVRE] Femmes, livres et religion au Moyen Age (Papesse, Impératrice)
[#] Le droit de la femme mariée (Impératrice, Justice)
[#] L'Impératrice Agnès (Impératrice, Empereur, Pape, Ermite)
[#] Mathilde de Toscane (Impératrice, Empereur, Pape)
[#] Les deux hommes en moi (Amoureux, Soleil)
[#] Abbaye Maison-Dieu de Saint Morillon (Maison Dieu)
[#] Fabiola et les premiers hôpitaux (XVI)
[#] Vêtements de femme au Moyen Age